Cinq journalistes visés par des écoutes téléphoniques à Maurice : RSF demande l’ouverture d’une enquête indépendante

Des extraits de conversations téléphoniques d’hommes politiques, de membres de la société civile et de journalistes ont été dévoilés ces derniers jours à Maurice. Cinq journalistes de renom sont concernés par ces fuites, qui laissent entrevoir un système de surveillance généralisé. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de ces révélations et demande l’ouverture d’une enquête indépendante pour identifier les responsables des écoutes.

À deux semaines des élections législatives, Maurice est ébranlé par une affaire de surveillance téléphonique. Depuis le 18 octobre, une vingtaine de conversations impliquant des politiques, policiers, avocats et membres de la société civile ont été divulguées sur les réseaux sociaux. Cinq journalistes de renom sont concernés par ces fuites. 

Si le Premier ministre du pays, Pravind Kumar Jugnauth, et la Police ont avancé que les audios étaient manipulés à l’aide de l’intelligence artificielle, les cinq journalistes contactés par RSF ont confirmé l’authenticité des conversations dévoilées. “Les autorités se réfugient derrière l’argument de l’intelligence artificielle car elles sont embarrassées”, estime Nawaz Noorbux, directeur de l’information de Radio Plus, l’une des principales radios privées du pays. 

“Écouter les conversations téléphoniques de journalistes et les exposer sur les réseaux sociaux constitue un grave danger pour leur sécurité et la protection de leurs  sources. Alors que Maurice s'achemine vers des élections législatives, RSF s’inquiète de ces fuites, qui laissent entrevoir un système d’écoute généralisé n'épargnant pas les professionnels de l'information. Les autorités ne peuvent se cacher derrière l’argument de l’intelligence artificielle pour étouffer une affaire déjà grave. Nous demandons l’ouverture d’une enquête indépendante pour identifier les responsables de ces écoutes.”

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Nawaz Noorbux a ainsi vu une de ses conversations téléphoniques avec un avocat proche du pouvoir être diffusée sur Facebook le 19 octobre. “Il m’appelait pour savoir si je détenais d’autres informations sur une affaire que je venais de publier”, explique le directeur de l’information de Radio Plus. Peu avant cet appel WhatsApp datant d’août 2022, le journaliste venait de révéler la fabrication d’une fausse lettre anonyme par un conseiller du Premier ministre.

Un autre appel WhatsApp réalisé en août 2022, impliquant deux anciens journalistes de Radio PlusAl Khizr Ramdin et Jugdish Joypaul, a également été publié sur les réseaux sociaux le 19 octobre. “La conversation ne contenait rien de compromettant, mais cette écoute laisse penser que nos sources sont vulnérables”, soutient Al Khizr Ramdin, désormais directeur de l’information du média en ligne Informus

Jugdish Joypaul a lui quitté le journalisme pour embrasser une carrière politique au sein du parti au pouvoir au début de l’année, mais il ne cache pas son indignation : “Il faut absolument une enquête indépendante pour remonter à la source et identifier les responsables de ces enregistrements.” Après 35 ans de carrière dans le journalisme, l’ancien journaliste affirme avoir toujours eu l’impression que certaines conversations étaient enregistrées. “Nous étions prudents au téléphone, ajoute-t-il, notamment ces dix dernières années.”

Rajen Valayden, rédacteur en chef du média en ligne Capital Media depuis 2010 et Murvind Beetun, journaliste d’investigation et ancien animateur de la radio Top FM, sont également concernés par ces fuites.

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