Cinq journalistes sommés de révéler l'identité de leurs informateurs dans l'affaire de l'Anthrax : une décision qui fragilise une nouvelle fois le secret des sources

Un magistrat fédéral a ordonné que cinq journalistes témoignent dans le procès que Steven Hatfill a intenté au gouvernement pour avoir communiqué aux médias des informations l'impliquant dans l'affaire de l'Anthrax. Cette décision s'inscrit dans une série de procédures judiciaires qui mettent en péril le secret des sources.

Reporters sans frontières s'inquiète de la décision prise, le 13 août 2007, par un juge fédéral de Washington d'ordonner la comparution de cinq journalistes au procès intenté par Steven Hatfill contre le Département de la Justice pour violation de la loi sur la protection des données personnelles (Privacy Act). Les reporters sont sommés de décliner l'identité des agents gouvernementaux leur ayant révélé que cet ancien scientifique de l'armée était suspecté dans la série d'attaques à l'Anthrax en 2001. À l'époque, plusieurs journalistes dont Allan Lengel, du Washington Post, Michael Isikoff et Daniel Klaidman, de Newsweek, Toni Locy, ancien employé d'USA Today, et James Stewart, de CBS News, avaient écrit des articles sur les avancées de l'investigation ainsi que les soupçons des enquêteurs sur des suspects, dont Steven Hatfill. Ils ont jusqu'à présent toujours refusé de révéler leurs sources "Cette décision du juge Reggie Walton est préoccupante car elle s'inscrit dans une contexte de multiplication des attaques contre le secret des sources aux Etats-Unis. Des journalistes sont une nouvelle fois pris à partie dans une querelle entre le gouvernement et des individus qui le poursuivent pour diffamation. Dans cette affaire comme dans les précédentes, les reporters ne faisaient que remplir leur rôle en voulant informer le public sur une question cruciale de santé publique. Le magistrat devrait concentrer ses efforts sur les fonctionnaires qui ont donné cette information. En remettant en cause la protection des sources, le juge fragilise le journalisme d'investigation. Il est maintenant urgent que la loi “bouclier” visant à accorder aux journalistes le privilège du secret des sources, dont le contenu a été accepté le 1er août dernier par le comité judiciaire de la Chambre des représentants, soit approuvée par les deux chambres", a déclaré l'organisation. Le procès, débuté en 2003, oppose Steven Hatfill au Département de Justice accusé d'avoir mené contre lui une "campagne de diffamation coordonnée", relevant de la violation de la loi fédérale sur la protection des données personnelles. Selon lui, des agents fédéraux auraient compromis sa carrière professionnelle en communiquant aux journalistes que le FBI le considérait comme "personne d'intérêt" (person of interest) dans l'enquête sur les envois de colis contenant de l'Anthrax ayant fait cinq morts en 2001. Finalement, aucune charge n'avait été retenue contre lui. Pendant la procédure, les journalistes ont déclaré, en refusant d'identifier leurs sources, que des agents du FBI et du Département de Justice leurs avaient fourni à cent reprises des informations sur l'investigation. Le juge Reggie Walton n'a pas cité les dirigeants du Washington Post, de Newsweek, d'USA Today et de CBS News à comparaître, mais il a déclaré qu'il reconsidérerait sa position si les journalistes ne changeaient pas d'avis et qu'il pourrait alors soumettre les médias à une amende. Selon lui la révélation de l'identité des informateurs est "cruciale" dans cette affaire et sera décidée à l'avenir dés lors qu'il s'agira de faire respecter le Privacy Act, ce qui remet en cause le privilège du secret des sources. Steven Hatfill a déjà remporté en novembre 2006 un procès contre le New York Times pour "diffamation". Le juge avait considéré que le quotidien ne pouvait s'appuyer sur les informations anonymes provenant du FBI pour impliquer Steven Hatfill dans la série d'attentats, mais il avait refusé de faire payer une amende au journal pour non-révélation des sources.
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Updated on 20.01.2016