Reporters sans frontières s'inquiète de la multiplication des procédures judiciaires et des pressions exercées par certaines autorités contre la presse brésilienne depuis le début de l'année 2007. Une inquiétude renforcée par l'attaque à main armée, en janvier, contre un journaliste d'une chaîne locale enquêtant sur des affaires sensibles.
Reporters sans frontières s'inquiète de la multiplication des procédures - censure préventive, mise à l'amende, menaces de prison pour absence de diplôme - engagées contre la presse brésilienne en ce début d'année 2007. L'organisation condamne également l'attaque à main armée dont a été victime à son domicile de Porto Velho (Ouest), le 4 janvier 2007, Domingues Júnior, présentateur de la chaîne Rede TV Rondônia.
“L'acharnement procédurier contre les médias, tant au niveau fédéral qu'au sein des États, et l'agression à son domicile d'un journaliste réputé pour avoir mené des enquêtes sensibles, sont autant de signes d'une liberté de la presse toujours fragile. Un assassinat a endeuillé en 2006 la presse brésilienne, qui a subi de multiples attaques et procédures judiciaires durant la période précédant le scrutin d'octobre dernier. A l'horizon des élections municipales de 2008, Reporters sans frontières craint que l'histoire ne se répète et demande aux autorités fédérales de prendre les moyens de garantir la liberté d'information comme les y obligent la Constitution et la Déclaration de Chapultepec, signée par le président Lula le 3 mai 2006”, a déclaré l'organisation.
Le 4 janvier 2007, cinq individus armés de revolvers ont fait irruption au domicile de Domingues Júnior, présentateur de la chaîne locale Rede TV Rondônia, à Porto Velho, capitale de l'État de Rondônia. Les agresseurs ont menacé la famille du journaliste, porté des coups contre ce dernier, volé des objets de valeur et dérobé une moto et une voiture. Victime de blessures, Domingues Júnior a dû être hospitalisé. Selon lui, cette attaque serait intervenue en représailles à ses dénonciations d'achats de votes et de corruption au sein de la police fédérale, dans son programme “Fala Rondônia”. Le journaliste recevait des menaces de mort par courriel depuis décembre dernier.
Outre cette attaque directe contre un journaliste, plusieurs décisions judiciaires absurdes ont affecté la liberté de la presse en ce début d'année. Le 25 janvier 2007, Francisco Peçanha Martins, président du Tribunal supérieur de justice (TSJ, l'une des deux hautes juridictions fédérales du pays), a confirmé l'obligation faite à l'hebdomadaire Época, édité par le groupe Editora Globo, de verser 410 000 reais (150 000 euros), à titre de “dommage moral” aux époux Estevam et Sônia Hernandes, fondateurs et évêques de l'Église évangélique Renascer em Cristo (“Renaître en Christ”). Le couple, poursuivi pour “escroquerie” et “évasion fiscale” a été arrêté aux États-Unis, le 9 janvier 2007, en possession de 56 000 dollars en liquide non déclarés à la douane. Época avait commencé à révéler des pratiques financières douteuses au sein de Renascer em Cristo en 2002. En première instance comme en appel, la justice avait donné deux fois gain de cause à l'Église contre le groupe Editora Globo. Ce dernier a consenti, le 26 janvier dernier, à un dépôt judiciaire de 72 000 euros. La justice continue d'exiger la totalité de la somme et l'ultime recours présenté par le média n'est pas suspensif.
Le 26 janvier, le tribunal régional électoral (TRE) du Mato Grosso do Sul (Sud-Ouest) a émis un ordre de censure préventive contre le quotidien régional O Correio do Estado, lui interdisant de mentionner dans ses colonnes le nom d'André Puccinelli Jr, fils du gouverneur de l'État, inculpé dans une affaire de fraude électorale. Cette censure, applicable aux autres médias, a été assortie d'une amende de 50 000 reais (environ 18 500 euros) à chaque mention du nom en cas de violation de l'injonction du TRE. Deux jours plus tard, le quotidien a passé outre en publiant une interview d'André Puccinelli Jr, se défendant des accusations portées contre lui. Le média s'était pourvu en appel mais la décision, attendue le 5 février, n'a toujours pas été rendue.
Silvério Netto, journaliste de la station Total FM dans l'État du Minas Gerais (Est), a été brièvement détenu en décembre sur ordre du juge Richard Fernando Silva, qu'il avait interviewé. Le juge a reproché au journaliste de ne pas avoir produit de justificatif de sa profession, malgré une décision du Tribunal suprême fédéral (TSF, la plus haute juridiction brésilienne) du 21 novembre 2006, rendant facultative la possession d'un diplôme de journaliste. Silvério Netto a comparu devant un tribunal présidé par son accusateur puis a été relâché en attendant l'appel. L'audience, fixée au 26 février prochain, devrait être présidée par Richard Fernando Silva.
Enfin, le 25 janvier, l'ancien secrétaire à la communication du président Lula, Luiz Gushiken, suspecté dans une affaire de détournement de fonds, a adressé à la direction générale de la police fédérale une liste de journalistes “susceptibles d'attenter à son honneur”. La demande, inédite, vise notamment Leonardo Attuch, de l'hebdomadaire IstoÉ, Lauro Jardim et Diogo Mainardi, de l'hebdomadaire Veja, ainsi que des journalistes de l'hebdomadaire Carta Capital.