Canada - RSF dénonce la mise sous surveillance d’un journaliste de La Presse

Reporters sans frontières (RSF) est choqué d’apprendre que le téléphone portable d’un journaliste du quotidien québécois La Presse a été mis sous surveillance par le service de police de la ville de Montréal (SPVM) dans une prétendue chasse aux sources.

Un article publié ce 31 octobre 2016 dans le journal québécois La Presse révélait qu’au moins 24 mandats de surveillance policière visent actuellement un de ses journalistes, Patrick Lagacé, et ce depuis le début de l’année 2016 sur une demande de la section des Enquêtes spéciales.


Parmis les 24 mandats, trois ont déjà permis d’obtenir les numéros entrants et sortants des appels et des textos du portable de Patrick Lagacé. Un autre mandat a permis au SPVM d’activer la puce GPS de son portable pour suivre ses déplacements.


Le SPVM aurait expliqué à Patrick Lagacé que son portable avait été mis sous surveillance afin de connaître l’origine de certaines fuites dans des enquêtes de la police, et lui aurait précisé qu’il n’était pas impliqué en tant que suspect mais qu’il était “comme utile à l’enquête, dans un sens.”


Cette nouvelle entrave à la liberté de la presse au Canada est extrêmement inquiétante, déclare Delphine Halgand, directrice du bureau de RSF aux États-Unis. “Mettre un journaliste sous surveillance afin de connaître l’identité de ses sources et suivre ses mouvements sans qu’il n’y ait aucune charge ou enquête à son encontre menace l’indépendance des journalistes et la confidentialité de leurs sources. C’est absolument inacceptable dans un pays démocratique comme le Canada.”


“Je vivais dans une fiction où la police ne ferait jamais une chose pareille”, a confié Patrick après avoir pris connaissance des faits. Vice-président à l'information de La Presse Éric Trottier a déclaré que l'opération “constitue une attaque sans équivoque contre l'institution qu'est La Presse et contre toute la profession journalistique.


Les avocats de La Presse se sont présentés le 31 octobre devant la Cour du Québec pour commencer une procédure destinée à éviter la circulation des éventuelles sources journalistiques de Patrick. La prochaine audience aura lieu le 24 novembre 2016.


Cette nouvelle entrave à la liberté de la presse au Canada intervient alors qu’en septembre dernier l’ordinateur de Michaël Nguyen, journaliste au Journal de Montréal, a été saisi lors d’une perquisition menée par la Sûreté du Québec. Selon le mandat de perquisition, la saisie visait à établir comment Michaël Nguyen avait obtenu certaines informations dites “confidentielles” sur le site web du Conseil de la magistrature du Québec. La semaine dernière, le journaliste Tristan Péloquin publiait un article dans La Presse révélant que les documents obtenus prétendument illégalement n’étaient en fait protégés par aucune mesure de sécurité et que lui-même avait pu les télécharger sans fournir un mot de passe.


En avril dernier, la Cour supérieure de l’Ontario avait ordonné à un journaliste de VICE News de remettre sa correspondance avec une source à la gendarmerie royale du Canada. RSF et plusieurs organisations canadiennes de défense de la liberté de la presse vont intervenir dans l’appel de VICE à cette décision.


Le Canada est 18ème sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse que RSF a publié en 2016, après avoir chuté de 10 places en 2015.


IMAGE CREDIT: ROGERIO BARBOSA / AFP

Publié le
Updated on 01.11.2016