Canada : la Gendarmerie royale doit respecter les droits des journalistes à couvrir les manifestations autochtones

A la suite de témoignages faisant état de journalistes empêchés de couvrir des manifestations de défense de l’environnement en Colombie-Britannique par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Reporters sans frontières (RSF) appelle la GRC à respecter le droit constitutionnel des journalistes à effectuer leur travail sans entraves.

Depuis le 6 février, des journalistes témoignent de la façon dont la police interpelle et menace d’arrêter des professionnels des médias qui couvrent les actions de la Gendarmerie royale lors des manifestations pour la défense de l’environnement et des droits des autochtones en territoire Wet’suwet’en, en Colombie-Britannique. Les forces de l’ordre se sont déployées pour faire respecter l’injonction émise fin 2019 par un tribunal autorisant les employés d’une société de gazoducs à accéder à ce territoire. Des manifestants s’étaient rassemblés pour soutenir des membres de la Première Nation de Wet’suwet’en qui s’opposent à la construction d’un gazoduc à travers leur sol. Un journaliste au moins a été arrêté, embarqué dans un véhicule et transporté hors du territoire, tandis que la police a sommé un autre journaliste de quitter la zone d’injonction, sous peine d’arrestation. 

 

Ces agissements de la GRC enfreignent une décision historique du tribunal qui réaffirme le traitement particulier dont bénéficient les journalistes couvrant une manifestation, y compris au sein d’une zone d’injonction, à partir du moment où ils remplissent certaines conditions, comme par exemple : être engagé « de bonne foi » dans une mission journalistique, ne pas interférer avec le respect des lois ou ne pas apporter une aide active aux manifestants et, enfin, fournir une information d’intérêt public. Le tribunal ayant pris cette décision a noté l’importance de la couverture médiatique des problématiques autochtones, déclarant qu’ « une attention particulière doit être accordée aux manifestations liées aux questions aborigènes ». L’année dernière, RSF avait déjà exprimé son inquiétude lorsque la GRC avait tenté de bloquer l’accès de la presse aux manifestations de défense de l’environnement menées par des membres de la Première Nation de Wet’suwet’en. 

 

“La GRC a fait preuve de mépris envers la liberté de la presse garantie par la Constitution, déplore la directrice du bureau Amérique du Nord de RSF, Dokhi Fassihian. Les journalistes canadiens ont le droit de couvrir les manifestations de défense des droits autochtones. Les manifestations se déroulant sur le territoire Wet’suwet’en revêtent une importance primordiale pour l’intérêt public, et un précédent judiciaire a reconnu l’importance de la couverture journalistique de questions relatives à la population autochtone du Canada. »

 

Bien qu’un porte-parole de la GRC a déclaré à un reporter le 6 février que la police respectait les droits des journalistes et ferait « tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir pour permettre aux professionnels des médias de s’approcher au plus près de la zone d’injonction », des journalistes présents sur le terrain ont rapporté, dans les jours qui ont suivi, que la police a continué de s’ingérer dans leurs activités. Un réalisateur de films documentaires à tweeté le 8 février que la GRC « malmenait les journalistes pour empêcher la diffusion d’images en temps réel ».

 

Le Canada occupe le 18e rang sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF. 

Publié le
Mise à jour le 09.02.2020