Can Dündar et Erdem Gül condamnés à de la prison : une nouvelle étape dans la criminalisation du journalisme en Turquie
Les premières condamnations sont tombées ce 6 mai 2016 à l’encontre des célèbres journalistes Can Dündar et Erdem Gül, qui avaient révélé des livraisons d’armes turques en Syrie. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un “verdict scandaleux” et exhorte la justice à acquitter les journalistes en appel.
Au terme d’un procès éclair, le rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet, Can Dündar, a été reconnu coupable d’”obtention et divulgation de secrets d’Etat” et condamné à cinq ans et dix mois d’emprisonnement. Le représentant du journal à Ankara, Erdem Gül, est condamné à cinq ans de réclusion pour “divulgation de secrets d’Etat”. Si ce verdict est confirmé en appel, les deux journalistes iront en prison.
“Le journalisme est considéré comme un crime en Turquie”
“Ce procès n’était pas seulement celui de Can Dündar et d’Erdem Gül : c’est le journalisme qui vient d’être condamné, souligne le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Le journalisme en soi est considéré comme un crime en Turquie. Ce verdict indigne envoie un signal d’intimidation extrêmement clair à toute une profession qui lutte pour sa survie. Nous exhortons la cour d’appel à faire preuve de plus d’indépendance et à reconnaître que Can Dündar et Erdem Gül n’ont fait que leur travail.”
Les deux journalistes, par ailleurs acquittés pour “espionnage”, restent poursuivis pour “soutien à une organisation terroriste” et risquent toujours la prison à vie. Dans son réquisitoire final, le procureur Evliya Çalışkan a demandé au tribunal de traiter cette accusation de façon séparée, estimant que son examen nécessitait une jonction avec un autre procès en cours.
RSF réitère son appel à abandonner toutes les accusations portées contre Can Dündar et Erdem Gül. Signez la pétition en ce sens sur rsf.org.
Can Dündar victime d’une tentative d’assassinat
L’audience a été marquée par une tentative d’assassinat contre Can Dündar devant le palais de justice de Çağlayan, où les juges étaient en train de délibérer. Un homme a tiré à plusieurs reprises vers le journaliste, en le traitant de “traître”, avant d’être maîtrisé. Seul un reporter de la chaîne NTV, Yağız Şenkal, a été légèrement blessé par une balle qui avait ricoché.
“Cette attaque était malheureusement prévisible, déplore Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie. Quand des journalistes sont traités de terroristes et de traîtres à longueur de discours officiels et d’articles de presse, on peut s’attendre à des conséquences concrètes. Il est grand temps de mettre un terme à cette campagne calomnieuse et de proscrire une fois pour toutes les discours de haine.”