Ce 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, Dawit Isaak reçoit le prix Guillermo Cano décerné par l’UNESCO à Jakarta. Ce journaliste suédo-érythréen est emprisonné depuis 2001 dans des conditions effroyables par le régime d’Asmara. Depuis 16 ans, Reporters sans frontières (RSF) n’a eu de cesse de demander sa libération. L'ONG lance aujourd’hui une pétition pour maintenir la mobilisation autour de lui.

Voilà 12 années que l’on est sans nouvelles de lui. Pour avoir fait son travail d'information en relayant un débat politique dans la société érythréenne, Dawit Isaak, co-fondateur du journal Setit, est détenu au secret, sans accès à sa famille ni à ses avocats.


Dawit Isaak, comme les 10 autres journalistes derrière les barreaux, est considéré par le régime d’Asmara comme un terroriste. Des éléments réunis par RSF laissent à penser que sept d’entre eux sont morts en détention. Le témoignages d’un gardien de prison, recueilli en 2010, dernière fois que Dawit a été vu en vie, évoque des conditions de détention inhumaine, où les journalistes, menottés, sont maintenus à l’isolement sous des températures infernales.


Depuis seize ans, RSF n’a eu de cesse d’oeuvrer à la libération de tous ces journalistes injustement emprisonnés. A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, RSF lance une pétition pour maintenir la mobilisation.




“La situation qui perdure en Erythrée est intolérable, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Voilà 16 années que le pays n’a plus de presse libre, que ses citoyens vivent dans la terreur, que les journalistes ne peuvent travailler librement et menacés même quand ils travaillent pour un média d’Etat. La situation est plus critique que jamais, à l’heure où l’Union européenne adopte une politique de conciliation vis-à-vis du gouvernement d’Issayas Afeworki, motivée essentiellement par ses préoccupations vis-à-vis du flot de réfugiés érythréens qui arrivent sur les côtes européennes, fuyant une répression effroyable. Les ONG, dont RSF, se mobilisent depuis des années, mais elles ont besoin d'un engagement clair des Etats membres de l’Union européenne, de l’ONU et de l’Union africaine.”


Des déclarations aux actions ?


Depuis 16 ans, RSF se bat, aux côtés de la famille de Dawit Isaak, pour dénoncer le sort du journaliste et obtenir sa libération.


Outre une première pétition lancée en 2002, de nombreuses publications, et plusieurs appels au Parlement européen, RSF a déposé en 2011 un recours devant la Cour constitutionnelle érythréenne pour dénoncer l’illégalité de cette détention sans jamais recevoir de réponse.


Elle a ensuite porté l’affaire en 2012 devant la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui a demandé à l’Erythrée de libérer les journalistes ou leur garantir un procès équitable. L’Erythrée n’a jamais donné suite à cette requête à ce jour. RSF portera la question à nouveau lors de la prochaine session de la Commission le 8 mai 2017 à Niamey, au Niger.


Au Nations unies, les recommandations à l’Erythrée des Etats membre lors de l’Examen périodique universel portant sur l’absence de médias libres en Erythrée, le contrôle total des journalistes d’Etat et le traitement inhumain des journalistes emprisonnés, bafouant toutes les règles de droit international sont systématiquement ignorées par le gouvernement érythréen. En 2015, RSF a soumis le cas de Dawit Isaak au groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées.


Le rapport spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme en Erythrée, - auquel RSF a participé - concluait en juin 2016 que des crimes contre l’Humanité se déroulaient en Erythrée. Il demandait au Conseil de sécurité de saisir la CPI. Une exhortation restée lettre morte à ce jour.


D’autres initiatives ont été lancées. En Suède, RSF a déposé des plaintes contre des officiels du régime érythréen, au nom de Dawit Isaak. Mais le procureur a par deux fois refusé de poursuivre le dossier. En juin 2016, RSF avait aussi écrit au président Issayas Afeworki lui demandant de pouvoir rencontrer en prison Dawit Isaak et d'avoir ainsi une preuve de vie. Le président a accusé personnellement réception de la lettre mais n’a pas donné suite aux requêtes de l’organisation.


L’Erythrée est classé 179e dans le Classement 2017 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Il n’existe plus aucun média indépendant dans le pays. Seuls les radios d’Etat, le journal officiel et Eri TV peuvent rapporter ce qui se passe à l’intérieur du pays. Au cours de l’année écoulée, quelques médias étrangers ont eu accès au pays, une visite guidée, toujours la même, et sous garde rapprochée où il leur a été impossible de parler librement aux habitants.

Publié le
Mise à jour le 03.05.2017