Burkina Faso : le chef de l'État ne doit pas bloquer l'organe de régulation des médias

Reporters sans frontières (RSF) dénonce les velléités de caporalisation qui minent le fonctionnement du Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso. RSF demande au président de cesser cette obstruction et de promouvoir la liberté de la presse.

Le Conseil supérieur de la communication (CSC), régulateur des médias au Burkina Faso, ne fonctionne plus depuis presque trois mois. Cette institution composée de neuf membres, dont un président et un vice-président, a pour mission de veiller au respect de la déontologie en matière d’information, de promouvoir la liberté d’expression et de garantir le droit d’accès des organes de presse aux sources d'information.

Après le décès d'un de ses membres et la démission de deux autres, dont l'ancien président en septembre 2021, le CSC a élu un président et une vice-présidente au mois de mai dernier. La principale opposante au nouveau président a porté plainte pour irrégularité de la procédure, mais elle a été déboutée. Depuis, le président burkinabé, Paul-Henri Sandaogo Damiba, n’a toujours pas pris le décret de confirmation du nouveau président du CSC, empêchant ainsi celui-ci de poursuivre ses activités. 

“Il est  inédit de voir un président empêcher le bon fonctionnement d’une instance de régulation qui joue un rôle crucial dans la promotion de la liberté de la presse, particulièrement dans un pays traversé par une crise sécuritaire dangereuse pour les médias, déclare Sadibou Marong, directeur du Bureau Afrique de l’Ouest de RSF. Si les autorités du Burkina Faso ne veulent pas montrer une posture synonyme d’une volonté de caporalisation du CSC, elles doivent se mettre au-dessus de la mêlée et prendre sans délai le décret de confirmation de son nouveau président.”

RSF s’est entretenue avec plusieurs journalistes et organisations de médias qui ont dénoncé cette lenteur et estimé que, dès l’instant où la justice reconnaît la régularité de l’élection du nouveau président, le chef de l’État doit la rendre valable. Ils estiment également que la situation actuelle handicape la régulation du secteur médiatique et menace la crédibilité et l’indépendance du CSC. Le 3 août, des organisations professionnelles ont rendu publique une déclaration pour “mettre en garde le président sur ses velléités de dissolution et de caporalisation du seul et unique organe de régulation des médias du pays.”

Pour Idrissa Birba, journaliste et président de Nouveaux droits de l’homme (NDH), une organisation de défense de la liberté de la presse, le blocage du CSC “met mal à l’aise tous les acteurs des médias. (...) Toute suppression de cet organe de régulation serait une erreur historique grave”, a-t-il déclaré à RSF.  

Beaucoup d’atteintes à la liberté de la presse ont été relevées dans le pays depuis le début de l’année. Un journaliste a été blessé et deux autres brièvement détenus en marge de la mutinerie ayant conduit au coup d’État en janvier 2022. En  mars, des reporters ont été interdits de filmer le président Damiba qui présidait son premier conseil des ministres.

Depuis le mois de mai, quatre journalistes ont fait l’objet de menaces. Un homme soupçonné d'avoir menacé de mort le journaliste Newton Ahmed Barry dans un enregistrement audio  a d’ailleurs été interpellé en juillet. Le 14 mai, une journaliste de TV5 Monde a été expulsée d’une réunion publique organisée par un activiste qui l’a accusée d’appartenir à un média français qui “ne cesse de les diaboliser et de les caricaturer”.

À l’instar des pays du Sahel, le Burkina Faso est confronté aux menaces des groupes armés qui contrôlent certaines zones du pays, ce qui a contribué à y faire reculer le journalisme et l’accès à une information de qualité ces dernières années.

Le pays occupe actuellement la 41e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022. 

 

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