Le Burkina Faso accueille la Xe Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage. Pourtant, l'impunité des agresseurs règne, au Burkina Faso et dans d'autres pays francophones. En Guinée équatoriale, au Laos, au Rwanda, en Tunisie et au Viêt-nam, la liberté de la presse n'existe pas. En Côte d'Ivoire, de nouveaux médias de la haine ont fait leur apparition.
Cette année, l'ombre de Norbert Zongo plane sur le sommet de la Francophonie. Le Burkina Faso accueille en effet la Xe Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage. Six ans après l'assassinat du journaliste burkinabé le plus célèbre, ce dossier reste en suspens. Aucun jugement, aucun procès.
Le seul inculpé, un haut responsable de la garde présidentielle, coule des jours tranquilles chez lui. Une situation d'autant plus surprenante quand on sait qu'il a été condamné à 20 ans de prison pour l'assassinat de David Ouédraogo, le chauffeur du frère du président de la République, François Compaoré. Cette affaire était devenue le cheval de bataille de Norbert Zongo. Sans relâche, pendant plusieurs mois, le directeur de L'Indépendant avait dénoncé ce scandale et demandé des comptes. Ce travail de journaliste d'investigation lui a coûté la vie, le 13 décembre 1998.
En janvier 2001, François Compaoré, frère du président de la République, largement impliqué par cette affaire, avait été enfin entendu par un juge d'instruction. Depuis, la procédure est au point mort.
Pour autant, le président Blaise Compaoré affirme tout de même sa sérénité. "Tous les moyens ont été donnés à la justice pour traiter le dossier", déclarait-il encore dans les colonnes de Jeune Afrique/L'Intelligent du 14 au 20 novembre 2004. Selon lui, "la commission d'enquête indépendante a indiqué des pistes en précisant qu'elle n'était sûre de rien", ajoutant qu'il "faut laisser les juges faire leur travail".
Quelques centaines de kilomètres plus au sud, en Côte d'Ivoire, de nouveaux médias de la haine ont fait leur apparition. Dès octobre 2000, quelques jours avant l'élection de Laurent Gbagbo à la présidence de la République, Reporters sans frontières avait dénoncé la multiplication des articles à caractère raciste et xénophobe dans la presse ivoirienne.
Depuis, cette situation n'a cessé d'empirer. Les appels à la haine et à la violence, les incitations à la guerre, les propos xénophobes sont devenus quasi quotidiens. Le 4 novembre 2004, à la veille de l'offensive des forces armées ivoiriennes contre les ex-rebelles, la presse ivoirienne a connu une vague de répression sans précédent. Saccages, incendies criminels, pillages… plusieurs quotidiens indépendants ou d'opposition ont été obligés de cesser leur publication et leurs responsables contraints à la clandestinité pendant quelques jours. Les médias d'Etat agissent en soldats, prenant clairement position pour l'écrasement militaire des ex-rebelles et se comportant en agents de propagande au service des autorités.
La Francophonie doit agir
L'impunité demeure, au Burkina Faso et dans d'autres pays francophones. Pourtant, dans la déclaration de Beyrouth, adoptée à l'issue du précédent sommet en 2002, les Etats membres s'étaient engagés "à lutter, à tous les niveaux de la société, contre l'impunité des auteurs de violations des droits de l'Homme".
Reporters sans frontières demande, une nouvelle fois, comme prévu dans la Déclaration de Bamako signée en 2000, des sanctions contre les pays qui violent massivement la liberté d'expression. La Francophonie prévoit un mécanisme de sanction des pays "en cas de rupture de la démocratie ou de violations massives des droits de l'homme". Ces sanctions vont de la réduction des contacts avec l'Etat concerné à sa suspension. Il est urgent, aujourd'hui, d'utiliser ce dispositif. Cela donnerait à la Francophonie l'autorité et la crédibilité qui lui manquent en matière de respect des droits de l'homme.
A l'inverse, ne rien faire à Ouagadougou, comme lors du précédent sommet de Beyrouth en 2002, serait un véritable camouflet pour les victimes de violations des droits de l'homme dans l'espace francophone.
La Francophonie ne s'est toujours pas complètement débarrassée de ses prédateurs de la liberté de la presse
En Guinée équatoriale, au Laos, au Rwanda, en Tunisie et au Viêt-nam, la liberté de la presse n'existe pas.
Au Laos et au Viêt-nam, la presse est aux ordres de l'Etat-parti. La censure est implacable et la marge de manœuvre des journalistes extrêmement limitée. Les très rares médias indépendants sont diffusés sous le manteau ou sur Internet, obligeant leurs responsables à travailler dans la clandestinité ou en exil.
En Guinée équatoriale et au Rwanda, le pluralisme de l'information n'est qu'une illusion. Les rares médias indépendants ont une audience confidentielle et sont soumis à un harcèlement incessant des autorités politiques ou judiciaires. Les condamnations à des peines de prison ou à des amendes exorbitantes sont encore trop répandues.
En Tunisie, malgré les promesses et les engagements du président Zine el-Abidine Ben Ali, la liberté d'expression n'est toujours pas garantie. La presse indépendante est complètement muselée, les journalistes les plus critiques sont harcelés et la timide ouverture de l'audiovisuel ne permet pas encore de parler d'un réel pluralisme de l'information.
La Côte d'Ivoire est le pays le plus dangereux du monde francophone pour les journalistes
En un an, aucun journaliste n'est mort en Afrique, sauf en Côte d'Ivoire. Six mois après l'assassinat du correspondant de RFI, Jean Hélène, par un policier ivoirien, le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer a disparu, après être entré en contact avec des proches du pouvoir. Le beau-frère de Simone Gbagbo, épouse du Président, a été mis en examen pour « enlèvement » et « séquestration ». Enfin, le 7 novembre, Antoine Massé, correspondant à Duékoué du quotidien progouvernemental Le Courrier d'Abidjan, a été tué lors de heurts entre soldats français, l'armée ivoirienne et des manifestants.