Burkina Faso : après le coup d’Etat, RSF appelle la junte à laisser les journalistes exercer librement

Alors que le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, chef de la junte au Burkina Faso, s’est adressé à la nation hier sans prendre d’engagement formel de protéger la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF) appelle les militaires à laisser les journalistes et les médias travailler librement et en toute sécurité. Un journaliste a été blessé et deux autres brièvement détenus en marge de la mutinerie ayant conduit au coup d’Etat.

Lundi 24 janvier 2022 : des soldats encagoulés prennent le siège de la télévision nationale, la Radio Télévision Burkina (RTB) à Ouagadougou, la capitale du pays. Quelques heures plus tard, les militaires annoncent officiellement le coup d’Etat renversant le président Roch Marc Christian Kaboré, à la tête du pays depuis 2015, sur l’antenne de la chaîne publique . Dans la foulée, les entrées des locaux de la RTB sont filtrées et l’armée impose aux journalistes la lecture de leurs communiqués.


La tension était palpable depuis plusieurs jours pour les journalistes du Burkina Faso, entravés ou menacés lors des mutineries survenues dans plusieurs casernes du Burkina Faso pour réclamer des moyens plus adaptés à la lutte contre le djihadisme en amont du putsch.


Alors qu’ils étaient en train de photographier la devanture du camp militaire Sangoule Lamizana à Ouagadougou samedi 22 janvier, Henry Wilkins, journaliste indépendant, et son collègue de l’Associated Press (AP), Sam Mednick, ont été pris à partie par des soldats du camp qui ont pointé leurs armes sur eux, confisqué leur matériel et les ont détenus pendant une trentaine de minutes. 

Le même jour, les médias locaux et internationaux, ainsi que le groupe de défense des droits numériques Access Now ont signalé des perturbations de connexion à internet dans le pays. Contacté par RSF, le directeur d’un journal en ligne a confirmé que son média avait été fortement impacté par la longue coupure du réseau le 23 janvier.


Ibrahim Compaoré, journaliste pour la télévision privée La Chaîne au cœur de l'Afrique (LCA), a pour sa part été blessé au bras gauche après avoir reçu un projectile lors d’une manifestation organisée samedi à Ouagadougou pour protester contre l’insécurité dans le pays. Il a dû être évacué vers un hôpital de la capitale.


“Au lendemain de la première intervention du chef militaire Paul-Henri Damiba, RSF rappelle qu’il lui incombe à la junte de protéger les journalistes contre tous types d’attaques et de pressions, y compris les coupures d’internet et de veiller à ce que les médias puissent faire leur travail librement, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest à RSF, Sadibou Marong. L'exercice du journalisme est déjà fortement entravé dans ce pays frappé par l’insécurité et la présence de groupes armés dans le Sahel."


Depuis quelques années, le pays est visé par des violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique. Les attaques qui visent civils et militaires, en grande majorité concentrées dans le nord et l’est du pays, sont de plus en plus fréquentes. En avril dernier, David Beriain, grand reporter de guerre, et le cameraman Roberto Fraile, tous deux de nationalité espagnole, ont été tués par des hommes armés non identifiés alors qu'ils se rendaient en reportage dans la réserve naturelle de Pama, dans l’est du pays. Cela faisait plus de vingt ans qu’un journaliste n’avait pas été tué au Burkina Faso.


Le Burkina Faso occupe la 37e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

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Mise à jour le 28.01.2022