"BP orchestre tout"

Interview de Mac McClelland, journaliste pour le magazine MotherJones, le 13 juillet 2010. Le 12 juillet 2010, les autorités américaines ont enfin laissé les journalistes avoir accès aux sites souillés par la marée noire sur les côtes américaines. Pour Mac McClelland, journaliste qui travaille sur le terrain depuis 10 semaines, cela ne change pas le problème majeur : la qualité de l’information publiée. RSF - Quelle type d’informations obtenez-vous ? MM - BP ne dit rien sur rien. En tant que journaliste nous nous devons de les appeler pour avoir des informations sur le progrès des opérations de nettoyage, mais rien n’y fait. J’ai plus l’impression de perdre mon temps quand je les ai au téléphone. Chaque information est difficile à obtenir. Comment voulez-vous parler du nettoyage des côtes quand les employés de BP n’ont pas le droit de vous parler ? Même les garde-côtes vous donnent les informations uniquement fournies par BP. Il semble que l’information indépendante n’existe pas dans cette crise. RSF - Quel est votre avis sur la gestion de la catastrophe par BP ? MM - BP fait du bon travail sur les plages qui sont faciles d'accès. Mais parfois il n’y a pas de nettoyage sur les plages où l’accès est plus difficile. J’ai du me rendre en kayak sur l’une des îles, sans autorisation car cela met toujours énormément de temps, pour voir l'état d’avancement des choses. Si ce n’est pas visible, alors ce n’est pas nettoyé. Mais il faut également s’interroger sur la qualité du travail fourni. L’un des employés en Floride a déclaré publiquement que le défi pour BP était que les plages aient l’air propres. Pas qu’elles soient réellement désintoxiquées. D’autres employés m’ont confirmé cette version. RSF - Avez-vous vu une évolution dans les restrictions émises a l’encontre des médias depuis le début de la marée noire ? MM - Non. Le niveau de difficultés pour accéder à l’information n’a pas évolué. Même après que l'accès a été officiellement accordé aux médias, j’ai toujours été empêché d’aller là ou je le souhaitais par les policiers. Pour moi, rien n’a changé pour l’instant. De plus, il est difficile de savoir qui est en charge si l’on veut se plaindre. Certains policiers en uniforme sont en réalité payés par BP comme agents de sécurité privés. RSF - Avez-vous déjà rencontré des situations similaires ? MM - J’ai écrit un livre sur la Birmanie. Ici, cela me rappelle la situation à laquelle j’étais confrontée quand je demandais des informations au gouvernement birman. L’information indépendante dont le pays à besoin n’existe pas. Il n’y a aucune enquête parallèle. Tous les chiffres viennent de BP et rien ne prouve que ce chiffre est exact. J’ai écrit un article sur les travailleurs des activités de nettoyage de BP qui s’est finalement révélé être un article sur mon impossibilité à obtenir une seule information viable. Il n’y a pas d'excuse au fait que les autorités américaines ne demandent pas d’enquête séparée. BP orchestre tout.
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Updated on 20.01.2016