Bosnie : aucune sanction pour des menaces de mort envers une journaliste
Reporters sans frontières (RSF) condamne la décision d’une procureure de Republika Srpska d’abandonner les poursuites contre l’homme qui a adressé des menaces de mort à la rédactrice-en-chef du site eTrafika.
Lorsque la rédactrice-en-chef du site eTrafika Vanja Stokić a posté sur Facebook, le 22 mai dernier, une photo avec deux migrants sur lesquels elle avait fait un reportage, un délinquant du nom de Goran Živanović lui a adressé un commentaire menaçant de “décapiter” les migrants et “vous tous, les bonnes âmes, qui les accueillez”. Or, au regard de Tatjana Ninković, la procureure de Republika Srpska, l’entité serbe de la Bosnie-Herzégovine, “les menaces ont été adressées à une personne non-spécifiée” et ne constituent donc ni un crime contre la sûreté publique ni une incitation publique à la haine. Par conséquent, la procureure a suspendu, le 14 juillet dernier, les poursuites contre Goran Živanović.
Se confiant à RSF, Vanja Stokić parle d’une “décision dévastatrice” qui “signale à tout le monde que des paroles de haine et des menaces de mort ne seront pas suivies de sanctions”. Son avocat a déposé un recours contre cette suspension de l’enquête.
Cette décision porte un coup de plus à une enquête gérée de manière absurde de bout en bout. Le délai de deux jours imposé par une policière à la journaliste pour le dépôt de sa plainte a laissé le champ libre à Goran Živanović, qui avait déjà été arrêté à plusieurs reprises pour vol, pour continuer à l’intimider sur les réseaux sociaux. Placé en détention sous la pression médiatique, il a été relâché aussitôt après sa déposition.
“Par leur complaisance tacite envers Goran Živanović, les autorités de Republika Srpska deviennent ses complices, non seulement d’actes d’intimidation envers Vanja Stokić mais éventuellement d’un crime encore plus grave s’il passe à l’acte”, déclare Pavol Szalai, responsable du bureau UE/Balkans à RSF. “La réouverture de l’enquête et la protection de Vanja Stokić sont non seulement impératives pour la protection de la liberté de la presse en Bosnie, mais seraient également en conformité avec les standards de l’Union européenne que le pays souhaite intégrer.”
Les journalistes bosniens subissent souvent des actes d’intimidation, notamment de la part des autorités. En juin dernier, la journaliste indépendante Nidžara Ahmetašević a été insultée et menacée de poursuites par des policiers parce qu’elle les filmait alors qu'ils arrêtaient des migrants à Sarajevo. En mai, c’est Nikola Vučić, de la chaîne N1, qui a été harcelé sur Twitter à cause de son avis critique sur l’extrême droite dans un canton majoritairement croate.
La Bosnie-Herzégovine se situe à la 58e place sur 180 pays du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.