Bilan du Prix Bayeux-Calvados, correspondants de guerre 2010
Organisation :
Reporter de guerre
« Trait d’union » entre deux mondes, à quel prix ?
D’un côté il y a notre regard : celui de populations libres, au sein de pays en paix. De l’autre il y a le regard de ceux qui vivent la guerre au quotidien au point même parfois de ne pas avoir connu la paix. Entre les deux : le reporter prend place « trait d’union et garant essentiel de notre information » comme l’a précisé le reporter Patrick Chauvel. D’Iran en Afghanistan, du Pakistan au Congo… Ce 17e Prix Bayeux–Calvados a une nouvelle fois démontré toute l’importance du rôle du correspondant de guerre, nous donnant à voir, à entendre et à lire des reportages de grande qualité. Si le soleil a largement été présent toute la semaine, l’événement nous a très vite replongés dans la réalité froide des conflits et particulièrement des risques du métier de reporter.
Un thème plus que jamais d’actualité alors qu’Hervé Guesquière, Stéphane Taponier et leurs accompagnateurs sont toujours retenus en otage en Afghanistan. Le Prix Bayeux-Calvados 2010 a ainsi amené au coeur des débats la question de la sécurité des reporters en zone de conflit. L’exercice de leur métier n’a probablement jamais été aussi dangereux, les journalistes étant désormais pris pour « cibles ». Sur place, à Bayeux, les meilleurs spécialistes du sujet étaient là pour apporter leurs précieux éclairages auprès du public. Si malheureusement, le travail à haut risque mené sur le terrain par le reporter n’est pas toujours récompensé par des sujets diffusés, le Prix Bayeux-Calvados est là chaque année pour apporter tout l’éclairage légitime qu’ils méritent et donner son palmarès. Un palmarès 2010 qui récompense notamment de nombreux medias français, principalement autour de reportages menés en Afghanistan.
Reporters : des témoins en péril ?
Thème d’une soirée qui a rassemblé plus de 600 personnes autour des meilleurs spécialistes du sujet, cette question a plus largement marqué l’ensemble de cette 17e édition. C’est un point de vue partagé des grands reporters : il devient de plus en plus difficile d’exercer son métier. L’évaluation du risque sur le terrain devient ainsi déterminante. Reporters sans frontières l’a largement rappelé tout au long de cette semaine : le nombre de prises d’otages de journalistes atteint des records alarmants. « Le reporter est un billet sur patte », déclare Patrick Chauvel.
Conséquence directe de cette évolution du statut de reporter, les agences se heurtent au dilemme « Doit-on ou ne doit-on pas laisser partir le reporter ? ». Un choix rendu encore souvent plus difficile par le principe de précaution du gouvernement. Certains reporters ont ainsi choisi la voie de l’indépendance, convaincus qu’il faut être là où justement le danger fait qu’il n’y a plus personne. Thierry Thuillier, en tant que nouveau directeur de l’information pour France Télévision, et en même temps ancien reporter, a apporté un point de vue attendu. « L’important est de mesurer le risque par rapport à l’enjeu » a-t-il souligné tout en rappelant qu’un bon reporter doit être aussi « un peu fou ».
Bayeux soutient les otages en Afghanistan
Ce fut incontestablement l’un des moments les plus marquants de ce 17e Prix Bayeux-Calvados. C’est aussi là encore le rappel redoutable de reporters exposés à un danger croissant. Depuis 285 jours, les journalistes Hervé Guesquière, Stéphane Taponier et leurs accompagnateurs sont retenus en otages en Afghanistan. La Ville de Bayeux et Reporters sans frontières ont souhaité afficher leur engagement en invitant tous leurs confrères reporters présents et le public à un rassemblement de soutien, place de l’Hôtel de Ville. Banderoles et affiches ont rappelé combien, malgré la distance et les jours passant, on ne les oublie pas et on espère tous leur retour proche.
La stèle 2009 dévoilée
Il y a les reporters menacés sur le terrain, ceux qui sont pris en otages et, malheureusement ceux qui, cette année encore, ont payé de leur vie notre information. Moment intense chargé d’émotion, le dévoilement de la stèle 2009 au Mémorial des reporters leur a rendu un hommage, en présence notamment de Patricia Campos, amie de Christian Poveda, assassiné au Salvador il y a 13 mois.
Multiplier les regards sur le monde
Si le Prix Bayeux est une fenêtre ouverte sur le monde, c’est aussi un moment de rencontres uniques. Citons cet échange entre des lycéens libanais et bas-normands. Seize élèves, venus de Beyrouth, confrontés quotidiennement à une liberté fragile dans un pays encore « entre guerre et paix », ont réalisé chez eux des courts-métrages et sont venus les partager à Bayeux avec des lycéens bas-normands. Un échange de jeunes à jeunes, « sans égal » et dont le Prix Bayeux constitue toujours une occasion privilégiée.
Autre moment d’échange unique, la soirée sur le Pakistan, véritable poudrière accablée par la crise économique, des dissensions internes, la présence talibane, des problèmes d’électricité…, a permis à près d’un millier de spectateurs de mieux comprendre ce conflit complexe, en présence de ses principaux spécialistes. Le Prix Bayeux-Calvados est une occasion exceptionnelle de mieux comprendre notre monde.
Les expositions, le salon du livre ou encore le forum média en témoignent aussi très concrètement. Patrick Gomont, maire de Bayeux, le rappelle souvent : « On ne ressort évidemment pas indemne d’une semaine comme celle-ci, mais assurément plus riche et plus ouvert sur le monde qui nous entoure ».
Professionnels et public, un même regard ?
Est-ce la conséquence d’un public au regard de plus en plus aiguisé à l’analyse de l’information ? Une qualité incontestable du reportage choisi ? Ou encore le fruit du hasard ? Chacun pourra se faire sa réponse, mais toujours est-il que cette année, le choix du public dans la catégorie photo et celui des lycéens dans la catégorie TV convergent avec ceux du jury professionnel. Le reportage de Véronique de Viguerie (Paris Match), à très haut-risque, sur la guerre du pétrole au Nigéria l’emporte en catégorie photo et celui de Danfung Dennis (PBS) intitulé « La guerre d’Obama », est le lauréat en télévision. A noter qu’outre Paris Match, les medias français ont été très largement récompensés puisqu’en radio Europe 1 l’emporte avec un reportage atypique, en Afghanistan « Le facteur de Kaboul : l’homme sans adresse ». En presse écrite, c’est le Nouvel Observateur qui a été plébiscité par le jury professionnel pour un reportage au Congo. Dans la même catégorie le prix Ouest-France – Jean Marin récompense le magazine Elle pour un reportage sur le Pakistan. Enfin, dans la catégorie TV grand format, à nouveau un media français lauréat, puisque c’est France 2-Envoyé spécial qui rafle la mise avec un sujet remarquable dans une école en Afghanistan.
Le prix du jeune reporter, quant à lui, a récompensé un reportage de presse écrite du Sunday Times, réalisé en Afghanistan et intitulé « Deux frères de sang meurtris par la guerre ».
Ce palmarès le reflète : si la plupart des sujets récompensés traitent de l’Afghanistan, les conflits « oubliés » trouvent toujours un écho et une reconnaissance à Bayeux. C’est le cas de ces reportages primés, l’un réalisé au Congo, l’autre au Nigéria. Comme un réveil des consciences, le Prix Bayeux-Calvados est là aussi pour les mettre en lumière.
Pour plus d’informations et voir les reportages lauréats : http://www.prixbayeux.org/
« Trait d’union » entre deux mondes, à quel prix ?
D’un côté il y a notre regard : celui de populations libres, au sein de pays en paix. De l’autre il y a le regard de ceux qui vivent la guerre au quotidien au point même parfois de ne pas avoir connu la paix. Entre les deux : le reporter prend place « trait d’union et garant essentiel de notre information » comme l’a précisé le reporter Patrick Chauvel. D’Iran en Afghanistan, du Pakistan au Congo… Ce 17e Prix Bayeux–Calvados a une nouvelle fois démontré toute l’importance du rôle du correspondant de guerre, nous donnant à voir, à entendre et à lire des reportages de grande qualité. Si le soleil a largement été présent toute la semaine, l’événement nous a très vite replongés dans la réalité froide des conflits et particulièrement des risques du métier de reporter.
Un thème plus que jamais d’actualité alors qu’Hervé Guesquière, Stéphane Taponier et leurs accompagnateurs sont toujours retenus en otage en Afghanistan. Le Prix Bayeux-Calvados 2010 a ainsi amené au coeur des débats la question de la sécurité des reporters en zone de conflit. L’exercice de leur métier n’a probablement jamais été aussi dangereux, les journalistes étant désormais pris pour « cibles ». Sur place, à Bayeux, les meilleurs spécialistes du sujet étaient là pour apporter leurs précieux éclairages auprès du public. Si malheureusement, le travail à haut risque mené sur le terrain par le reporter n’est pas toujours récompensé par des sujets diffusés, le Prix Bayeux-Calvados est là chaque année pour apporter tout l’éclairage légitime qu’ils méritent et donner son palmarès. Un palmarès 2010 qui récompense notamment de nombreux medias français, principalement autour de reportages menés en Afghanistan.
Reporters : des témoins en péril ?
Thème d’une soirée qui a rassemblé plus de 600 personnes autour des meilleurs spécialistes du sujet, cette question a plus largement marqué l’ensemble de cette 17e édition. C’est un point de vue partagé des grands reporters : il devient de plus en plus difficile d’exercer son métier. L’évaluation du risque sur le terrain devient ainsi déterminante. Reporters sans frontières l’a largement rappelé tout au long de cette semaine : le nombre de prises d’otages de journalistes atteint des records alarmants. « Le reporter est un billet sur patte », déclare Patrick Chauvel.
Conséquence directe de cette évolution du statut de reporter, les agences se heurtent au dilemme « Doit-on ou ne doit-on pas laisser partir le reporter ? ». Un choix rendu encore souvent plus difficile par le principe de précaution du gouvernement. Certains reporters ont ainsi choisi la voie de l’indépendance, convaincus qu’il faut être là où justement le danger fait qu’il n’y a plus personne. Thierry Thuillier, en tant que nouveau directeur de l’information pour France Télévision, et en même temps ancien reporter, a apporté un point de vue attendu. « L’important est de mesurer le risque par rapport à l’enjeu » a-t-il souligné tout en rappelant qu’un bon reporter doit être aussi « un peu fou ».
Bayeux soutient les otages en Afghanistan
Ce fut incontestablement l’un des moments les plus marquants de ce 17e Prix Bayeux-Calvados. C’est aussi là encore le rappel redoutable de reporters exposés à un danger croissant. Depuis 285 jours, les journalistes Hervé Guesquière, Stéphane Taponier et leurs accompagnateurs sont retenus en otages en Afghanistan. La Ville de Bayeux et Reporters sans frontières ont souhaité afficher leur engagement en invitant tous leurs confrères reporters présents et le public à un rassemblement de soutien, place de l’Hôtel de Ville. Banderoles et affiches ont rappelé combien, malgré la distance et les jours passant, on ne les oublie pas et on espère tous leur retour proche.
La stèle 2009 dévoilée
Il y a les reporters menacés sur le terrain, ceux qui sont pris en otages et, malheureusement ceux qui, cette année encore, ont payé de leur vie notre information. Moment intense chargé d’émotion, le dévoilement de la stèle 2009 au Mémorial des reporters leur a rendu un hommage, en présence notamment de Patricia Campos, amie de Christian Poveda, assassiné au Salvador il y a 13 mois.
Multiplier les regards sur le monde
Si le Prix Bayeux est une fenêtre ouverte sur le monde, c’est aussi un moment de rencontres uniques. Citons cet échange entre des lycéens libanais et bas-normands. Seize élèves, venus de Beyrouth, confrontés quotidiennement à une liberté fragile dans un pays encore « entre guerre et paix », ont réalisé chez eux des courts-métrages et sont venus les partager à Bayeux avec des lycéens bas-normands. Un échange de jeunes à jeunes, « sans égal » et dont le Prix Bayeux constitue toujours une occasion privilégiée.
Autre moment d’échange unique, la soirée sur le Pakistan, véritable poudrière accablée par la crise économique, des dissensions internes, la présence talibane, des problèmes d’électricité…, a permis à près d’un millier de spectateurs de mieux comprendre ce conflit complexe, en présence de ses principaux spécialistes. Le Prix Bayeux-Calvados est une occasion exceptionnelle de mieux comprendre notre monde.
Les expositions, le salon du livre ou encore le forum média en témoignent aussi très concrètement. Patrick Gomont, maire de Bayeux, le rappelle souvent : « On ne ressort évidemment pas indemne d’une semaine comme celle-ci, mais assurément plus riche et plus ouvert sur le monde qui nous entoure ».
Professionnels et public, un même regard ?
Est-ce la conséquence d’un public au regard de plus en plus aiguisé à l’analyse de l’information ? Une qualité incontestable du reportage choisi ? Ou encore le fruit du hasard ? Chacun pourra se faire sa réponse, mais toujours est-il que cette année, le choix du public dans la catégorie photo et celui des lycéens dans la catégorie TV convergent avec ceux du jury professionnel. Le reportage de Véronique de Viguerie (Paris Match), à très haut-risque, sur la guerre du pétrole au Nigéria l’emporte en catégorie photo et celui de Danfung Dennis (PBS) intitulé « La guerre d’Obama », est le lauréat en télévision. A noter qu’outre Paris Match, les medias français ont été très largement récompensés puisqu’en radio Europe 1 l’emporte avec un reportage atypique, en Afghanistan « Le facteur de Kaboul : l’homme sans adresse ». En presse écrite, c’est le Nouvel Observateur qui a été plébiscité par le jury professionnel pour un reportage au Congo. Dans la même catégorie le prix Ouest-France – Jean Marin récompense le magazine Elle pour un reportage sur le Pakistan. Enfin, dans la catégorie TV grand format, à nouveau un media français lauréat, puisque c’est France 2-Envoyé spécial qui rafle la mise avec un sujet remarquable dans une école en Afghanistan.
Le prix du jeune reporter, quant à lui, a récompensé un reportage de presse écrite du Sunday Times, réalisé en Afghanistan et intitulé « Deux frères de sang meurtris par la guerre ».
Ce palmarès le reflète : si la plupart des sujets récompensés traitent de l’Afghanistan, les conflits « oubliés » trouvent toujours un écho et une reconnaissance à Bayeux. C’est le cas de ces reportages primés, l’un réalisé au Congo, l’autre au Nigéria. Comme un réveil des consciences, le Prix Bayeux-Calvados est là aussi pour les mettre en lumière.
Pour plus d’informations et voir les reportages lauréats : http://www.prixbayeux.org/
Publié le
Updated on
25.01.2016