Bilan 2013 - 71 journalistes ont été tués
71 journalistes ont été tués en 2013 2013 en chiffres :
Journalistes tués : 71 (-20%)
39 % en zone de conflit
8% de freelance
4% de femmes journalistes
Types de médias :
Presse écrite : 37%
Radio : 30%
TV : 30%
Web (portail d’information en ligne) : 3%
Collaborateurs des médias tués : 6
Net-citoyens et citoyens-journalistes tués : 39 (-17%)
Journalistes interpellés/arrêtés : 826 (-6%)
Journalistes agressés ou menacés : 2160 (+9%)
Journalistes enlevés : 87 (+129%)
Journalistes qui ont fui leur pays : 77 (+5%)
Blogueurs et net-citoyens arrêtés : 127 (-12%)
178 journalistes emprisonnés (au 15 décembre 2013)
37 journalistes otages ou disparus (au 18 décembre 2013)
Le bilan annuel des violations de la liberté de l’information, établi chaque année par Reporters sans frontières, témoigne en 2013 d’un niveau élevé de journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions (71) malgré une légère baisse (-20%) et d’une augmentation importante des enlèvements (+ 129%). Les exactions commises contre ceux qui exercent le journalisme demeurent à un niveau général élevé. « La lutte contre l’impunité doit être une priorité de la communauté internationale, à quelques jours du 7ème anniversaire de la résolution 1738 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la sécurité des journalistes, et alors que de nouveaux textes internationaux sont venus renforcer le dispositif normatif de protection,” déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Selon le recensement de Reporters sans frontières, 71 journalistes ont été tués dans le cadre de leurs fonctions dans le monde. Les zones les plus touchées sont l’Asie (24 morts),le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (23 morts). L’Afrique sub-saharienne connaît une baisse drastique du nombre de tués, qui passe de 21 en 2012 à 10 en 2013 et reflète une diminution des assassinats de journalistes en Somalie (7 en 2013 contre 18 en 2012). L’Amérique latine connaît une faible diminution du nombre de journalistes assassinés dans le cadre de leur exercice professionnel (12 morts en 2013 contre 15 en 2012).
La Syrie, la Somalie et le Pakistan confortent leur position parmi les cinq pays les plus meurtriers pour la profession (lire plus bas).
Ils sont rejoints cette année par l’Inde et les Philippines, qui supplantent le Mexique et le Brésil. Le Brésil compte pourtant cinq tués en 2013, soit le même chiffre que l’année précédente. Deux journalistes ont été tués au Mexique, mais trois autres ont disparu. Le retour du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) au pouvoir il y a un an et les pressions nouvelles exercées sur les médias par les centres de pouvoir contribuent à une forte hausse de l'autocensure. C'est malheureusement à ce prix que peut se comprendre une baisse toute relative du nombre de morts dans un certain nombre de pays.
Parmi les journalistes tués cette année, quatre sur dix (39 %) ont été victimes de conflits.
Sont ainsi comptabilisés les journalistes tués en Syrie, en Somalie, au Mali, dans les provinces de Chhattisgarh (Inde), du Balouchistan (Pakistan) et du Daghestan (Russie). Les autres ont été victimes de la couverture d’attentats, ou assassinés par des groupes liés au crime organisé (mafia, narcotrafic, etc), des milices islamistes, par des forces de l’ordre ou sur ordre d’officiels corrompus. Les 71 journalistes tués en 2013 étaient en majorité issus de la presse écrite (37%), de la radio (30%), de la TV (30%) ou de plateformes d’information en ligne (3%). Ils étaient de sexe masculin (96%) pour l’immense majorité d’entre eux. Le nombre de journalistes tués en 2013 dans le cadre de leurs activités d’information baisse de 20% par rapport à l’année 2012, qualifiée par Reporters sans frontières d’”hécatombe pour la presse” avec 88 tués. Le nombre de journalistes tués s’est élevé à 67 en 2011, 58 en 2010, 75 en 2009.
Cette diminution est relativisée par un accroissement des agressions et des menaces, qu’elles émanent de groupes infra-étatiques ou des forces de l’ordre. Les journalistes ont systématiquement été pris pour cibles par les forces de l’ordre en Turquie et dans une moindre mesure en Ukraine, en marge des mouvements de protestation du parc Gezi et de la place Maïdan. Le “Printemps brésilien” a donné lieu à des actes de répression d’une grande ampleur avec plus de 100 cas recensés, la plupart attribués au zèle répressif de la police militaire. La Colombie et le Mexique ont également connu d’importantes vagues de protestations propices à ce genre de brutalités. Les professionnels des médias ont été en première ligne des troubles politiques qui ont agité l’Egypte en 2013, des troubles interconfessionnels en Irak et de l’insécurité entretenue par les milices en Libye. En Guinée, les journalistes ont été régulièrement menacés par les deux bords, au cours des manifestations qui ont précédé les élections. Les attaques et menaces se sont également accrues au Pakistan, au Bangladesh et en Inde, parallèlement aux assassinats.
L’année 2013 a été marquée par une augmentation du nombre de journalistes kidnappés (87 contre 38 en 2012).
L’immense majorité des cas répertoriés concerne le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (71), suivis de l’Afrique sub-saharienne (11). Quarante-neuf journalistes ont été enlevés en Syrie en 2013 et 14 en Libye. Le rythme des enlèvements s’est accéléré en Syrie en 2013. Ils revêtent un caractère de plus en plus systématique et dissuadent dans de nombreux cas les reporters de se rendre sur le terrain. Si les journalistes étrangers sont de plus en plus ciblés par le régime et des groupes islamistes tels que l’Etat islamique d’Irak et du Levant (ISIS) et Jabhat Al-Nosra, leurs collègues syriens demeurent les plus exposés. Au moins 18 représentants de la presse étrangère et 22 acteurs syriens de l’information sont toujours otages ou portés disparus.
La violence et l’insécurité contraignent un nombre grandissant de journalistes à l’exil.
La violence du conflit syrien a précipité le départ d’au moins 31 journalistes professionnels ou citoyens au cours de l’année 2013. Nombre d’entre eux se trouvent actuellement sans ressources et vulnérables en Turquie, en Jordanie, au Liban ou en Egypte. Accusés de soutenir les Frères musulmans et victimes de xénophobie en Egypte, interrogés et intimidés par les services de sécurité jordaniens, menacés par les milices pro Al-Assad au Liban, leur situation demeure souvent extrêmement précaire.Malgré l’élection à la présidence du candidat modéré Hassan Rohani en juin 2013 et ses promesses d’ouverture, 12 journalistes iraniens ont fui leur pays pour assurer leur sécurité et fuir la répression de Téhéran en 2013. La tyrannie du régime d’Asmara a provoqué en 2013 le départ de cinq professionnels de l’information érythréens refusant de se transformer en valets de la propagande du régime d’Issaias Afeworki ou craignant d’être arrêtés et détenus au secret dans les terribles camps de prisonniers du pays. L’hémorragie de journalistes continue en Somalie. Echouant le plus souvent au Kenya voisin, ils ont vu leurs situations se fragiliser et leurs conditions de vie se dégrader en 2013. En cause, les sentiments xénophobes exacerbés par l’offensive militaire kenyane en Somalie débutée en 2011 ainsi que l’incertitude régnant autour de l’enregistrement des demandes de protection somaliennes par le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations unies. Au moins 178 journalistes sont emprisonnés à ce jour.
La Chine, l’Erythrée, la Turquie, l’Iran et la Syrie demeurent, comme en 2012, les cinq principaux geôliers du monde pour les journalistes (lire plus bas).
Le nombre de prisonniers reste stable en Chine, en Erythrée, en Iran et en Syrie, et connaît une baisse relative en Turquie. Si des réformes législatives ont abouti à la remise en liberté conditionnelle d’une vingtaine de journalistes turcs, elles restent encore très insuffisantes au regard des pratiques répressives de la justice.
Les atteintes sont perpétrées contre les acteurs de l’information au sens large.
Outre ces 71 journalistes tués, les citoyens-journalistes et net-citoyens sont touchés de plein fouet (39 tués en 2013, 47 en 2012), notamment en Syrie. Ces citoyens-journalistes, hommes et femmes, exercent la fonction de reporters, photographes ou vidéastes et tentent de documenter leur quotidien et la répression. Le 13 décembre dernier, le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire intervenait devant le Conseil de sécurité de l’ONU à New York lors d’une réunion sur le thème : « Protéger les journalistes ». A cette occasion, il s’est prononcé pour un durcissement de la lutte contre l’impunité. Reporters sans frontières demande que soit amendé l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale relatif aux crimes de guerre, afin de qualifier expressément comme tel “le fait de lancer des attaques délibérées contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé”. L’organisation recommande la mise en place d’un groupe d’experts indépendants ou un groupe de suivi, rattaché au Secrétariat général des Nations unies, qui suivrait le respect par les États-membres de leur engagement sur le traitement judiciaire impartial et efficace des violences contre les journalistes. Enfin, Reporters sans frontières demande à l’ONU et aux Etats membres de favoriser des procédures de protection et de réinstallation pour les acteurs de l’information et défenseurs des droits de l’homme menacés dans les pays de transit et de mettre en place un mécanisme d’alerte spécifique. Pour établir ces chiffres, Reporters sans frontières se fonde sur des données précises, collectées tout au long de l’année grâce à son activité de veille des violations de la liberté de l’information. Sont inclus dans ces statistiques les journalistes et les net-citoyens ayant trouvé la mort dans le cadre de leur travail d’information. Les journalistes ou net-citoyens tués dans le cadre d’activités strictement politiques ou militantes, en tout état de cause sans lien avec une démarche d’information, ne sont pas pris en compte par Reporters sans frontières. Les cas sur lesquels l’organisation n’a pas encore pu réunir les éléments nécessaires pour statuer avec rigueur demeurent en investigation.
Les cinq pays les plus meurtriers pour les journalistes
La Syrie : cimetière des acteurs de l’information
Au moins 10 journalistes et 35 citoyens-journalistes tués En Syrie, la répression sanglante menée par le régime de Bachar Al-Assad continue de s’abattre sur la population civile et les acteurs de l’information. Ces derniers sont également de plus en plus fréquemment la cible de groupes islamistes armés affiliés à Al-Qaeda, intolérants aux médias et prompts à cataloguer tout acteur de l’information comme espion ou infidèle. A cet égard, l’année 2013 marque un tournant : dans les zones dites “libérées”, des groupes djihadistes multiplient les enlèvements et assassinent des journalistes pour la première fois depuis le début du soulèvement en mars 2011. Ils ont ainsi éliminé fin 2013 le journaliste syrien Mohammed Saeed et l’Irakien Yasser Faysal Al-Joumaili.
Inde : haines et vindictes
8 journalistes tués En 2013, le pays établit un triste record : pas moins de huit professionnels des médias ont été tués en lien avec leur activité. Une vague de violences sans précédent s’est abattue sur les journalistes. Les groupes mafieux, les manifestants et partisans politiques mais aussi la police et les forces de sécurité locales se rendent tour à tour coupables de menaces et de violences physiques rarement sanctionnées envers les reporters, contraints dès lors à l’autocensure. Les assassinats des employés du quotidien Dainik Ganadoot, Ranjit Chowdhury, Sujit Bhattacharya et Balaram Ghosh, et l’exécution par balles de Rakesh Sharma, journaliste pour Dainik Aaj, illustrent un niveau d’insécurité sans précédent pour les médias. Le 19 mai 2013, deux individus se sont introduits dans les locaux du quotidien bengali Dainik Ganadoot et ont poignardé à mort les trois employés de la rédaction alors présents. Le 23 août, dans l’État de l’Uttar Pradesh, le journaliste Rakesh Sharma, du Dainik Aaj, a été criblé de balles par des individus en embuscade. Dans les États du Cachemire et du Chhattisgarh, les journalistes se trouvent encore plus fréquemment dans la ligne de mire des forces des sécurité ou des rebelles armés. Même si ces régions ne comptent pas le plus grand nombre de victimes, elles se rangent désormais parmi les plus dangereuses du pays pour les journalistes et subissent même une censure accrue des autorités fédérales.
Philippines : les motards de la mort
8 journalistes tués Qu’ont en commun le meurtre de Rogelio Butalid, le 11 décembre 2013 sur l’île de Mindanao, et celui de Jesus Tabanao, abattu le 14 septembre à Cebu ? Dans chacun de ces assassinats, des hommes masqués abattent leur cible de sang-froid, sans se soucier des témoins, et fuient à moto. Ce phénomène est si généralisé qu'on peut lire dans un éditorial du Philippine Star que “la moto est devenu le véhicule de choix pour la fuite des assassins de journalistes et de militants (...). La plupart des crimes sont commis pendant la journée, lorsque les embouteillages aident les motocyclistes à semer les voitures de police qui les poursuivent”. En 2013, ces hommes de main de politiciens corrompus, tueurs à gages payés quelques milliers de dollars ou membres de milices privées, continuent de menacer et de tuer des journalistes, dans une impunité quasi totale. Huit professionnels des médias ont été victimes de cette main criminelle en 2013. Moins de 10% des assassinats donnent lieu à des condamnations en justice. Dans les rares cas où les enquêtes policières aboutissent, les juges se montrent très souvent incapables, voire réticents, à assumer leur rôle.
Somalie : la furie d'Al-Shabaab
7 journalistes tués L’année 2013 a certes été moins sanglante que 2012, année noire pour la Somalie qui a alors perdu 18 journalistes. Pour autant, le comportement meurtrier de la milice islamiste Al Shabaab continue de prendre les acteurs de l’information pour cibles. Sept journalistes ont été tués au cours de l’année, suite à des attaques imputées aux Shabaab dont le mode d’action meurtrier est connu. Le 27 octobre 2013, un journaliste de télévision meurt de ses blessures après avoir été criblé de balles lors d'une attaque à moto. En mars c'est une jeune productrice de radio de l'intérieur du pays qui est exécutée dans les rues de Mogadiscio. Ces assassinats ciblés sèment un climat de terreur dans la communauté des médias nationaux. Victimes des Shabaab, les journalistes somaliens sont aussi menacés par l'absence de protection octroyée par le gouvernement qui voit d'un mauvais œil les médias indépendants, trop libres de ton. Les journalistes de Radio Shabelle en étaient venus à loger dans leurs propres bureaux, pour limiter leurs déplacements, jusqu'à ce que le ministre de l'Intérieur les en expulse en octobre 2013.
Pakistan : bombes et zones extrêmes
7 journalistes tués Le Pakistan a tenu le rang de pays plus meurtrier pour la presse entre 2009 et 2011, avec son cortège d’attentats à la bombe. Un journaliste y perdait la vie presque chaque mois entre 2010 et 2012. Sept ont payé de leur vie leur volonté d’informer leurs concitoyens au cours de l'année 2013. Si elles concentrent une grande partie des violences faites aux médias, les zones tribales et la région du Baloutchistan ne possèdent pas le monopole de l’insécurité ni celui de l’impunité. En témoignent l’attaque du 2 décembre 2013 par des individus à moto contre le bâtiment du groupe Express Media et l’assassinat du journaliste baloutche Haji Abdul Razzak, retrouvé mort le 22 août dernier après plusieurs mois de disparition. Ces drames font de Karachi l’une des villes les plus dangereuses du pays pour les médias. Les violences policières et les abus de pouvoir de certains potentats locaux, ainsi que les poursuites en justice au nom de la lutte contre le terrorisme continuent de mettre en péril la liberté de la presse. Le Pakistan fait pourtant partie des premiers pays sélectionnés pour mettre en oeuvre le “plan d'action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité”.
Les cinq plus grandes prisons du monde pour les journalistes
Chine : l’obsession de la surveillance
Au moins 30 journalistes et 70 net-citoyens emprisonnés pour leur travail d’information Officiellement, la Chine détient près de cent acteurs de l’information dans ses prisons, sans compter les séquestrés de ses fameuses “prisons noires”. Multipliant les arrestations de journalistes et de blogueurs et durcissant leur politique de répression envers les cyberdissidents, les autorités cherchent à renforcer le contrôle de l'information et susciter l’autocensure des internautes. La police cible avant tout les défenseurs des droits de l’homme, les militants engagés en faveur de réformes politiques, à l’instar de Xu Zhiyong et Guo Feixiong (Yang Maodong), emprisonnés sous des prétextes fallacieux sans même avoir été déférés devant un juge. Mais les journalistes et blogueurs qui mettent dans l'embarras les officiels du Parti en révélant des scandales de corruption font les frais de mesures de représailles. Dernière victime du Parti communiste chinois, officiellement en campagne contre la corruption dans ses propres rangs, le journaliste du quotidien Modern Express (Xin Kuai Bao) Liu Hu. Détenu depuis le 30 septembre dernier et officiellement inculpé pour “diffamation” après trente-sept jours de détention provisoire, le journaliste avait dénoncé sur son compte Weibo des faits de corruption impliquant le directeur adjoint de l’administration d’Etat pour l’Industrie et le Commerce, Ma Zhengqi.
Erythrée : dans les cachots de l’oubli
28 journalistes emprisonnés L’enfer s’éternise pour les 28 journalistes emprisonnés en Erythrée. Des 11 journalistes arrêtés en 2001 sans avoir jamais vu un juge douze ans plus tard, 7 ont trouvé la mort, victimes des mauvais traitements ou du découragement, dans le silence et l’oubli. Les conditions carcérales sont inhumaines: détention à l'isolement dans des cellules souterraines et surpeuplées, privation d’eau et de nourriture, enfermement dans des conteneurs métalliques laissés en plein soleil pendant des heures. Aucune voix autre que celle du gouvernement n’a droit de cité dans pays, un des derniers régimes totalitaires de la planète, pour la huitième année consécutive en queue du classement établi par Reporters sans frontières. Les partis d’opposition, la presse privée et les organisations religieuses non recensées sont tout simplement interdites. Les hommes et les femmes de médias soupçonnés d'“atteinte à la sécurité nationale” ou simplement accusés de porter un regard critique sur le régime, meurent à petit feu.
Turquie : les journalistes présumés coupables
Au moins 27 journalistes et 2 collaborateurs emprisonnés en lien avec leurs activités professionnelles De timides réformes législatives et l'ouverture de négociations historiques avec la rébellion kurde n'y ont pour l'instant rien changé : la Turquie demeure l'une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes. Un paradoxe, pour ce pays doté d'institutions démocratiques et de médias encore pluriels et vivaces. Mais la pratique judiciaire, largement sécuritaire et volontiers paranoïaque, reste peu respectueuse de la liberté de l’information et du droit à un procès équitable. Appuyée sur un arsenal législatif liberticide, elle tend à qualifier facilement de "terroristes" les journalistes critiques. Les suspects sont souvent maintenus en détention provisoire pendant des années avant d'être jugés. Parmi la soixantaine de professionnels des médias emprisonnés à ce jour, au moins 29, comme Turabi Kisin et Merdan Yanardag, sont détenus en lien avec leurs activités de collecte et de diffusion d’informations. Mais de nombreux autres cas demeurent en investigation.
Iran : En attendant l’ouverture
20 journalistes et 51 net-citoyens emprisonnés Le 15 juin 2013, Hassan Rohani, le candidat conservateur modéré soutenu par les réformateurs, a été élu avec plus de 51% des voix. Malgré la promesse d'une politique d’ouverture et la libération de certains prisonniers d’opinion et notamment quelques journalistes et net-citoyens, la majorité des acteurs de l'information, arrêtés pour la plupart après le 12 juin 2009, date de la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, sont toujours en prison. Depuis 1er janvier 2013, au moins 76 professionnels des médias ont été arrêtés dans le pays, dont 42 depuis juin 2013. Dix-sept autres ont été condamnés à de lourdes peines allant d’un à neuf ans de prison. Douze médias ont été suspendus ou obligés d’interrompre leur publication sous la pression des autorités. Les traitements inhumains infligés aux prisonniers d’opinion restent une réalité quotidienne. De nombreux détenus sont toujours privés de soins médicaux, alors même qu’ils sont malades ou très affaiblis physiquement et psychologiquement.
En Syrie : des acteurs de l’information pris en étau
20 journalistes emprisonnés, (ainsi qu’une vingtaine de citoyens-journalistes détenus et au moins 18 journalistes étrangers et 22 acteurs syriens de l’information enlevés ou portés disparus) Si le rythme des arrestations par les forces de sécurité régulières a diminué, plus d’une quarantaine d’acteurs de l’information croupissent toujours dans les geôles du régime, plaçant le pays parmi les cinq plus grandes prisons du monde pour les acteurs de l’information. Parallèlement, le nombre d’enlèvements de journalistes étrangers et syriens par les groupes djihadistes s’est accru dans les zones dites “libérées” du pays depuis le printemps 2013 et le renforcement d’ISIS au Nord. Depuis l’automne, ils deviennent quasi-systématiques. Le CPJ a également rendu public son recensement annuel, consultable sur cpj.org