Bahreïn

Le pays connaît un des taux de pénétration d'Internet parmi les plus élevés de la région. Mais le processus de démocratisation s'essoufle et la liberté d'expression sur le Web s'en ressent. Les autorités ont pris le parti d'un filtrage massif mais les net-citoyens se montrent inventifs lorsqu'il s'agit de contourner la censure et se mobilisent pour défendre leurs droits. Renforcement du filtrage La volonté d'innovation technologique des autorités va de pair avec un renforcement du contrôle sur la Toile. Une politique de filtrage rigoureux s'applique à Internet et concerne les contenus d'ordre politique, religieux, considérés comme obscènes ou remettant en cause la dignité de la famille royale. Parmi les sites bloquées : les sites d'opposition, les sites jugés anti-islamiques, les forums de discussion abordant des sujets tabous, des sites d'informations. Début 2009, la nouvelle ministre de la Culture, Sheikha Mai Bent Mohammed Al-Khalifa, membre de la famille royale, a lancé une “campagne contre la pornographie” qui s'est soldée par la fermeture de 1040 sites. Certains n'avaient pourtant rien à voir avec le sujet. Le blocage du site de l'Arabic Network for Human Rights Information (ANHRI) et du Bahrain Centre for Human Rights est révélateur de la volonté du gouvernement de s'en prendre à des sites qui critiquent le gouvernement, la famille royale ou bien le Parlement. Google Earth a d'ailleurs été rendu inaccessible afin que les Bahreïnis ne puissent connaître les lieux de résidence de la famille royale. Des pages YouTube, Wikipedia et Facebook ont aussi fait les frais de cette campagne. Un précédent : le compte Twitter d'une ressortissante étrangère a été bloqué début janvier 2010. Des net-citoyens déterminés mais sous surveillance L'utilisation de serveurs proxy est très répandue. Près de deux cents blogueurs s'expriment régulièrement sur la Toile. Ils préfèrent en général conserver leur anonymat. Les autorités surveillent régulièrement les sites Internet et l'utilisation des outils de contournement de la censure. Elles n'hésitent pas à poursuivre ou à harceler les journalistes et blogueurs “gênants”. Une surveillance accrue pèse sur les nombreux cybercafés du pays. Leur contrôle est coordonné par une commission qui réunit quatre ministères et qui s'assure que les règles sur l'interdiction aux mineurs et la visibilité des postes sont bien respectées. Lois et décrets prohibitifs La législation dans le domaine est particulièrement dure. Internet est régulé par l'Autorité de régulation des télécommunications, établie par la loi n°47 sur les Télécommunications, adoptée en 2002. Son champ d'application a été étendu aux supports en ligne. Un amendement de 2008 a éliminé la censure préalable et les peines de prison pour les reporters. Mais les journalistes et internautes peuvent toujours être poursuivis en vertu de la loi antiterroriste ou du code pénal. Deux décrets concernant spécifiquement Internet ont été adoptés en 2009. Le premier décret permet la fermeture de sites sans décision de justice, sur simple demande de la ministre de la Culture. Le second oblige le nombre croissant de fournisseurs d'accès à Internet – une vingtaine à ce jour - à bloquer des sites à caractère pornographique ou susceptibles d'inciter à la violence ou à la haine raciale. L'administration des impressions et des publications du ministère de l'Information avait ordonné en 2007 l'enregistrement des sites Internet, hébergés dans le pays et à l'étranger, qui présentent un lien avec les affaires du royaume, les arts, la religion, la politique, etc. Cette décision s'est heurtée à l'opposition d'un grand nombre de propriétaires de sites Internet. Ces derniers ont tacitement décidé de ne pas s'enregistrer, faisant acte de désobéissance civile sur la Toile. Ils y voyaient une atteinte à la liberté d'expression sous couvert d'assurer la sécurité de l'Etat. Le régime a alors reculé et l'enregistrement est devenu optionnel.
Publié le
Updated on 20.01.2016