Bélarus : la “grâce” de Raman Pratassevitch, épilogue d’une longue mascarade

Deux ans presque jour pour jour après son kidnapping, Raman Pratassevitch affirme avoir été gracié par Alexandre Loukachenko. RSF prend note de cette décision, qui ne doit pas faire oublier l'instrumentalisation dont est victime le journaliste.

Dans une vidéo diffusée le 22 mai 2023 par les médias d’État biélorusses sur YouTube, Raman Pratassevitch apparaît souriant, goûtant sa “liberté” retrouvée. Dans un style rappelant ses excuses forcées et télévisées de 2021, il remercie Alexandre Loukachenko et affirme avoir signé tous les papiers rendant effective la grâce. Cette annonce surprenante intervient alors que sa peine devait entrer en vigueur, le blogueur ayant renoncé à faire appel du jugement. L’ex-rédacteur en chef de la chaîne Telegram Nexta avait été condamné, le 3 mai dernier, à huit ans de prison pour divers chefs d’accusation dont “organisation d’émeutes de masse” ou encore “appels à commettre des actes terroristes”.

“La grâce de Raman Pratassevitch ressemble à l’épilogue d’une vaste mascarade organisée depuis deux ans par le régime de Loukachenko. Le nouveau rebondissement de cette mise en scène instrumentalisant un journaliste à des fins de propagande et aux conséquences incertaines pour lui incite à la prudence. Nous attendons notamment de savoir si Raman Pratassevitch est véritablement libre de ses mouvements et s’il pourra ou non quitter le territoire. Le Bélarus compte toujours 33 journalistes emprisonnés.

Jeanne Cavelier
Responsable du Bureau Europe de l’Est et Asie centrale

L’Association biélorusse des journalistes (BAJ), partenaire de RSF, souligne que l’ancien blogueur a activement coopéré à l'enquête depuis sa détention, "dénonçant" de nombreuses personnes par la suite poursuivies pénalement. “Nous ne connaissons pas encore les conditions et les limites de sa grâce, affirme son président Andreï Bastunets. Mais je ne pense pas que Pratassevitch pourra voyager à l'étranger. Il est très probable que les autorités continueront à l'utiliser à des fins de propagande.”

Son visage, particulièrement transformé par ces deux années, témoigne du calvaire traversé. Après son arrestation spectaculaire le 23 mai 2021, Raman Pratassevitch a été soumis à des pressions psychologiques particulièrement intenses. Dans l’attente de son procès, il était assigné à résidence, pendant de longs mois, dans un lieu inconnu et dans des conditions incertaines.

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