Bélarus

Le gouvernement se dote de nouvelles dispositions légales pour mettre en place un contrôle serré d'Internet. Après avoir vérouillé les médias traditionnels, le régime poursuit son offensive contre Internet et tente d'intimider la société civile qui y a trouvé refuge. Un nouveau décret liberticide Le président Loukachenko a signé, le 1er février 2010, un décret relatif aux “mesures de régulation du réseau national d'Internet” qui institue une censure renforcée et dirigée au sommet de l'Etat. Le décret impose aux supports d'accès à Internet (ordinateurs, téléphones) d'être identifiés et enregistrés par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI). Les clients des cybercafés seront contraints de s'identifier et chaque connexion sera répertoriée et conservée pendant un an. Même chose pour les utilisateurs de connexions partagées (ex: co-propriétaires). Enfin, le décret prévoit la création d'un “centre analytique” rattaché à la présidence et chargé de surveiller le contenu avant toute diffusion sur Internet. Ce centre distribuera les noms de domaine et pourra ordonner aux FAI de fermer un site. Ces derniers disposeront alors de 24 heures pour obtempérer. Les fermetures sont également possibles à la demande d'un simple citoyen, instaurant une forme de délation en ligne. La trentaine de FAI existants doivent utiliser la bande passante de Belpak, un affilié de Beltelekom, en position de monopole, ce qui facilite le contrôle et la surveillance. Des intentions plus que douteuses dénoncées par la communauté internationale Le président se veut rassurant : chacun sera libre de faire ce qu'il veut sur Internet, il s'agit de “protéger les droits des citoyens bélarusses dans le domaine de l'information”, de défendre la moralité et la propriété intellectuelle, et de développer Internet à des fins économiques. Difficile de croire celui qui avait annoncé son intention, il y a plusieurs mois, de “lutter contre l'anarchie sur le Web”, en évoquant le modèle chinois. Personne n'est dupe : il s'agit d'empêcher l'opposition de s'exprimer sur Internet à la veille de l'élection présidentielle de 2011. Le décret doit entrer en vigueur en juillet 2010. L'Union européenne a choisi de durcir le ton envers la “dernière dictature d'Europe” en qualifiant ce décret de “pas dans la mauvaise direction”. L'UE et l'OSCE sont en train d'étudier la compatibilité ou non du texte avec les engagements pris par le Bélarus auprès des deux instances. Une société civile active sur le Web malgré la répression Près de trois millions de Bélarusses sont actifs sur la Toile. Les voix critiques du gouvernement, les journalistes indépendants et la société civile en général ont trouvé sur Internet un espace de discussion et d'échanges qui n'existe plus dans les médias traditionnels. Des dizaines de cybercafés dans la capitale, Minsk, mais également dans le reste du pays, sont leur principal point d'accès. Ils sont, depuis un décret de 2007, soumis à une forme de surveillance des autorités. Les net-citoyens font déjà les frais de la répression. Andrei Klimau, le premier opposant poursuivi après avoir publié un article sur Internet, a été condamné à deux ans de prison en août 2007 pour “incitation au renversement du régime”. Il a été libéré en février 2008. Les cyber-attaques contre des sites indépendants comme Charte 97, le site d'opposition le plus visité du pays, ou bien le site de Radio Free Europe / Radio Liberty sont fréquentes, ainsi que les menaces contre leurs journalistes, ou les blocages en cas d'événements politiques majeurs et de manifestations. La nouvelle loi sur la presse d'août 2008 a instauré un contrôle des publications en ligne. La communauté en ligne est prompte à se mobiliser et son dynamisme trouve des échos au sein de la société. Pour protester contre la fin de la gratuité des transports pour les personnes âgées, des internautes et blogueurs indignés ont demandé à leurs compatriotes de donner des jetons de bus aux citoyens du troisième âge. Plusieurs centaines de personnes ont joué le jeu, l'initiative a été filmée et postée sur Internet. Un véritable pied de nez aux autorités. Tout comme la “Journée pour une vraie démocratie” qui appelait à noircir un côté du jeton de transport pour affirmer son soutien à la démocratie.
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Updated on 20.01.2016