Reporters sans frontières se félicite des engagements pris par le gouvernement mexicain à l'issue de l'audience sur la liberté de la presse, convoquée par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), le 18 juillet 2007 à Washington. Le Rapporteur spécial de la juridiction devrait très prochainement se rendre sur place.
Le 18 juillet 2007 à Washington, Reporters sans frontières et huit organisations de défense des droits de l'homme ont participé, à leur demande, à une audience de la Commission interméricaine des droits de l'homme (CIDH) consacrée à la situation de la liberté de la presse au Mexique. Les organisations ont présenté les résultats de leurs recherches et formulé certaines requêtes précises auprès du gouvernement mexicain, représenté à l'audience. Elles ont rendu publiques les conclusions de leur démarche à l'occasion d'une conférence de presse, le 24 juillet à Mexico.
“Reporters sans frontières se félicite tout d'abord de l'importante mobilisation de la société civile mexicaine et des ONG, suscitée par cette initiative auprès de la CIDH. Cette démarche a eu d'autant plus d'impact qu'elle était conjointe. Le concours des autres organisations nous était indispensable et c'est en commun que nous devrons nous assurer de la traduction en actes de nos demandes. Car l'enjeu est là. Les engagements pris par le gouvernement mexicain à l'issue de l'audience du 18 juillet dernier répondent pour partie à nos attentes. Leur mise en œuvre implique, notamment, qu'il tienne sa promesse d'y associer le plus possible les organisations réquérantes et la CIDH. Par ailleurs, Reporters sans frontières entend souligner que l'avenir de la liberté de la presse au Mexique dépend aussi du milieu journalistique lui-même et de sa capacité à s'unir face aux attaques dont les professionnels sont victimes. Enfin, nous n'ignorons pas que le combat pour la liberté de la presse passe en large partie, en amont, par la lutte contre le premier fléau qui la met en péril : le crime organisé”, a déclaré l'organisation.
Le 18 juillet à Washington, l'Association mondiale des radios communautaires (AMARC), le Centre national de communication sociale (Cencos), Article 19, Liberté d'information au Mexique, la Fondation Manuel Buendía, le Syndicat national des rédacteurs de presse, le Réseau mexicain de protection des journalistes et des médias de communication, le Collectif pour la transparence et Reporters sans frontières ont présenté, à leur demande, un état des lieux de cette situation lors de la 128e session de la CIDH à Washington. Face aux représentants du gouvernement mexicain, les organisations ont notamment plaidé pour un renforcement des moyens du Parquet spécial fédéral pour les délits contre les journalistes (Fiscalía Especial para la Atención de Delitos cometidos contra Periodistas - FEADP), institué le 15 février 2006, et pour un véritable suivi dans l'enquête sur onze cas récents d'assassinats et de disparitions. Elles ont également insisté sur la nécessaire adaptation de la législation nationale aux standards internationaux concernant les médias électroniques et communautaires.
Au terme de l'audience, le gouvernement mexicain s'est engagé sur les point suivants :
-prendre toutes les mesures nécessaires pour faire la lumière sur les assassinats, les disparitions et les agressions de journalistes, en étudiant notamment la possibilité de renforcer les prérogatives de la FEADP et le traitement de ce type d'affaires au niveau fédéral ;
-présenter à la CIDH le résultat des avancées dans ces enquêtes dans les prochains mois ;
-garantir une ample participation des organisations spécialisées au suivi des investigations ;
-accepter un soutien de la CIDH dans le processus d'élaboration de la nouvelle loi sur les médias électroniques ;
-s'employer à promouvoir la reconnaissance des médias communautaires dans la loi, en s'appuyant sur les standards internationaux.
La CIDH a, pour sa part, sollicité un rapport complet sur les affaires les plus graves auprès du gouvernement mexicain, lequel a d'ores et déjà donné son accord de principe à une prochaine visite officielle du Rapporteur spécial pour la liberté d'expression de la juridiction interaméricaine.
Avec un bilan de trente-deux journalistes assassinés et sept disparus pendant la période comprise entre 2000 et 2007, le Mexique est devenu le pays le plus meurtrier du continent américain pour la presse. Il s'est même classé au deuxième rang mondial après l'Irak en 2006 avec neuf assassinats. Depuis le début de l'année 2007, le pays compte deux professionnels des médias tués - Amado Ramírez, correspondant de la chaîne Televisa à Acapulco, assassiné le 6 avril, et Saúl Martínez Ortega, du quotidien Diario de Agua Prieta, retrouvé mort dix jours plus tard dans l'État de Sonora -, et trois disparus : Rodolfo Ricón Taracena, directeur du quotidien régional Tabasco Hoy, introuvable depuis le 20 janvier, Gamaliel López et Gerardo Paredes, de la chaîne TV Azteca Noroeste, volatilisés le 10 mai à Monterrey.
Outre l'impunité qui entoure ces crimes et les nombreuses affaires de menaces ou d'agressions, la liberté de la presse est mise à mal, surtout au niveau local par une très forte autocensure, des pratiques de chantage à la publicité officielle et des entraves à la diffusion des radios ou supports communautaires.