Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’instrumentalisation de la justice par la présidence tchadienne à des fins de censure. En l’espace de quelques semaines, deux organes de presse ont dû essuyer les foudres de la famille Déby.
Le 10 juillet, l'hebdomadaire
Abba Garde a fait l’objet des attentions de la justice tchadienne. Saisi par le Haut conseil de la communication, sur plainte du cabinet civil de la présidence de la République, le président du tribunal de grande instance de N’djamena a ordonné la fermeture de l’hebdomadaire
Abba Garde. Une autre ordonnance a exigé le même jour la saisie de tous les exemplaires du numéro 109 du journal. Ces mesures font selon toute vraisemblance suite à la publication d‘un article dans le numéro 108, intitulé “Idriss Déby, le Hitler des temps modernes” paru fin juin.
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Quels que soient les propos du journaliste, la décision de fermer le journal enfreint la loi tchadienne de 2010 sur la presse qui prévoit que de telles mesures doivent faire l’objet d’une décision de justice à l’issue d’un procès contradictoire (article 44), déclare Reporters sans frontières.
Malheureusement, ce procès a déjà été reporté à trois reprises... De plus, l’ordonnance portant sur la saisine du numéro 109 est clairement une mesure arbitraire, car c’est le numéro précédent qui comportait l’article incriminé. Nous demandons à la justice tchadienne de respecter les textes de lois tchadiens et de lever la suspension du journal Abba Garde immédiatement”.
Selon le directeur de publication d’
Abba Garde,
Moussaye Avenir de la Tchiré, les mesures d’intimidation ont commencé dès le 5 juillet. Ce jour-là, des membres de l’agence nationale de sécurité avaient tenté de l’arrêter alors qu’il était en déplacement à Bongor, à la frontière avec le Cameroun au sud de N’Djaména. Le journaliste avait alors quitté le pays et demeure encore à l’étranger à ce jour.
Très critique du pouvoir, le journal
Abba Garde est un média populaire à N’Djaména. Ce n’est pas la première fois que le journaliste est dans le collimateur de la justice tchadienne.
En 2013, il avait passé quatre mois derrière les barreaux et avait été condamné à deux ans de prison avec sursis.
Stéphane Mbaïrabé Ouaye, directeur de publication du
Haut Parleur, est également dans le collimateur de la justice. Suite à une publication intitulée “Les frères Itno entretiennent la dictature”, le journaliste est actuellement en procès contre le frère du président Salay Déby. Le 22 juillet, il a reçu une convocation au tribunal de grande instance de N’Djaména « aux fins de le déclarer coupable des faits qui lui sont reprochés et le condamner à payer à Salay Deby, telle somme dont le montant sera fixé à la barre ». Etrange convocation à un procès qui prédit dores et déjà la culpabilité du prévenu.
Le Tchad occupe la 135e place dans l’édition 2015 du Classement établi par Reporters sans frontières.