Attribution des fréquences de radios communautaires : Reporters sans frontières écrit au président Evo Morales
Reporters sans frontières a écrit au Président bolivien, Evo Morales, après la promulgation, le 20 juin 2007, d'un décret sur l'attribution des fréquences de radios communautaires. Louable dans ses intentions, le texte pose problème lorsqu'il entend fixer le contenu diffusé par les stations.
Monsieur Evo Morales Ayma
Président de la République de Bolivie Monsieur le Président, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite s'entretenir avec vous du décret 29174, promulgué par vos soins le 20 juin 2007, qui offre une nouvelle réglementation aux radios communautaires. Ces dernières disposent désormais d'un délai de six mois pour se conformer aux dispositions du décret, faute de quoi leur licence de diffusion pourrait leur être retirée par la Superintendance des télécommunications. Le décret 29174 répond à un objectif louable et nécessaire. Il a pour but de faciliter la création de médias dans des zones rurales dont les habitants, pour des raisons techniques, n'accèdent pas facilement aux supports d'information et de communication (Internet, téléphonie, réseau hertzien). Ainsi, les radios communautaires seront exemptées de taxes sur l'assignation et l'usage de leur fréquence, au même titre que les radios dites culturelles et éducatives. Désormais, seules les radios commerciales seront sujettes à l'impôt. Cette mesure va dans le bon sens. Les conditions d'attribution ou de renouvellement des fréquences posent, en revanche, problème. Le décret 29174 précise qu'un représentant du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire ne peut être propriétaire d'une radio communautaire. Mais cette disposition vaut également pour les hommes politiques en général, les responsables syndicaux et les ministres du culte. Ces derniers sont d'abord des citoyens, en droit comme les autres de posséder un média. Au nom de quoi le leur interdire ? C'est là qu'intervient la disposition la plus problématique du texte. Le décret 29174 soumet l'octroi ou le renouvellement d'une fréquence à la condition que la radio communautaire concernée s'abstienne “de transmettre des messages partisans ou prosélytes de quelque nature que ce soit” et se limite à des messages éducatifs, culturels ou communautaires. Nous considérons qu'il revient au média et à lui seul de définir sa ligne éditoriale. Curieusement, cette disposition ne s'applique pas à une trentaine de radios communautaires nouvellement créées, parce qu'elles entreraient dans la catégorie des médias culturels et éducatifs. On peut s'étonner d'une inégalité de traitement juridique. C'est pourquoi Reporters sans frontières espère, qu'en concertation avec les représentants de la presse et de la société civile, le décret 29174 sera amendé et assoupli. A titre d'exemple, notre organisation a salué le projet de loi sur la régularisation des médias communautaires voté, le 5 juin dernier, par les députés uruguayens. Ce texte instaure notamment un Conseil honoraire consultatif, constitué de représentants de l'État, de la société civile et d'universitaires, habilité à intervenir dans le processus d'attribution et de renouvellement des fréquences. En vous remerciant de l'attention que vous porterez à cette lettre, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma très haute considération. Robert Ménard
Secrétaire général