Deux ans après la mort de Francisco Javier Ortiz Franco (photo), cofondateur et éditorialiste de l'hebdomadaire Zeta, exécuté le 22 juin 2004 à Tijuana, l'enquête n'a jamais avancé et les coupables restent impunis. Reporters sans frontières demande au parquet spécialisé dans les attaques contre la presse, mis en place en février 2006, de reprendre l'enquête.
Deux ans après l'assassinat de Francisco Javier Ortiz Franco, éditorialiste et cofondateur de l'hebdomadaire Zeta, le 22 juin 2004 à Tijuana (Nord-Ouest), Reporters sans frontières constate avec indignation que justice n'a jamais été rendue, malgré l'arrestation de plusieurs hommes de main.
“L'assassinat de Francisco Javier Ortiz Franco et les ratés de l'enquête qui a suivi sont malheureusement emblématiques de l'impunité qui entoure les attaques contre la presse au Mexique, devenu en 2005 le pays le plus dangereux du continent américain pour les journalistes. En deux ans, aucune procédure n'a réellement abouti et aucun procès n'a eu lieu. Faut-il se résoudre à ce que cette affaire soit à jamais classée ? Nous demandons au nouveau parquet spécial, mis en place le 15 février 2006, de reprendre l'enquête depuis le début et de disposer pour cela des moyens nécessaires, entre autres d'une modification de ses prérogatives qui étende le champ de ses investigations au domaine du narcotrafic et du crime organisé”, a déclaré Reporters sans frontières.
Membre fondateur de l'hebdomadaire Zeta en 1980, Francisco Javier Ortiz Franco avait été assassiné en plein jour de quatre balles par deux individus masqués, sous les yeux de ses deux enfants alors âgés de 8 et 10 ans, le 22 juin 2004, dans la capitale de l'Etat de Basse-Californie, ville frontière et plaque tournante du trafic de drogue vers les Etats-Unis. Il avait 48 ans. Il avait consacré plusieurs enquêtes à des affaires de narcotrafic et de corruption locale. Cet attentat était le troisième dirigé contre Zeta, après celui qui avait coûté la vie au journaliste Héctor Félix Miranda, le 20 avril 1988, et celui, manqué, contre le directeur de l'hebdomadaire Jésus Blancornelas, le 27 novembre 1997.
Après un mois d'enquête sur la mort de son cofondateur, l'hebdomadaire avait publié, en juillet 2004, une liste de personnes suspectées d'implication dans son assassinat. Zeta avait désigné Jorge Hank Rhon, futur maire de Tijuana, Arturo Villareal dit “El Nalgón” et Eduardo Ronquillo dit “El Niño”, tous deux membres du cartel de drogue des frères Arellano Felix (autrement connu sous le nom de “cartel de Tijuana”) comme commanditaires de l'assassinat. Avaient été cités comme auteurs matériels du crime Heriberto Lazcano dit “El Lazca”, membre du groupe paramilitaire “Los Zetas”, l'homme de main Armando Gálvez Flores et à nouveau Eduardo Ronquillo. L'enquête de Zeta recoupait, dans ses conclusions, celle alors conduite par le parquet général de Basse-Californie. Néanmoins, aucun suspect n'avait été inculpé.
Le 18 août 2004, l'enquête avait été transmise par la justice locale à la justice fédérale, chargée de lutter contre le crime organisé. Cette dernière avait rapidement imputé l'assassinat au clan des Arellano Felix tout en écartant l'implication directe de Jorge Hank Rhon, devenu maire le 1er août 2004.
Un an plus tard, le 4 août 2005, Ray del Billar alias “El Rey”, ancien séide d'une cellule du cartel de Tijuana dirigée par Arturo Villareal, était arrêté avec sept autres trafiquants. Le jeune homme avait aussitôt avoué sa participation à l'assassinat de Francisco Javier Ortiz Franco. La rédaction de Zeta avait mis en doute cette hypothèse, privilégiant celle du paramilitaire “El Lazca” comme auteur direct du crime.
Le 3 mai 2006, le ministère de la Justice a fait savoir, sans plus de précisions, que trois personnes avaient été détenues dans le cadre de l'affaire, l'une pour avoir fourni le véhicule qui avait servi au tueur, les deux autres suspectées d'avoir eu des informations sur la planification de l'assassinat. Le ministère a également avancé que le tueur avait été probablement exécuté par des membres du cartel de Tijuana, directement mis en cause.
Seize journalistes ont été tués dans le cadre de leurs fonctions au Mexique depuis 2000. La plupart enquêtaient sur des affaires de trafic ou de narcotrafic. Aucun commanditaire de ces crimes n'a jamais été arrêté ni jugé. Curieusement, le parquet spécialisé dans les attaques contre la presse, mis en place le 15 février 2006, n'est pas censé intervenir si les affaires relèvent du crime organisé.