Reporters sans frontières a dénombré, depuis 30 jours, trois agressions physiques, un ordre de censure, un licenciement abusif, une arrestation arbitraire et un cas d'intimidation à l'encontre de journalistes nigérians, dont les conditions de travail sont chaque année aussi éprouvantes malgré la chute, en 1999, du régime militaire.
Reporters sans frontières a dénombré, depuis 30 jours, trois agressions physiques, un ordre de censure, un licenciement abusif, une arrestation arbitraire et un cas d'intimidation à l'encontre de journalistes nigérians, dont les conditions de travail sont chaque année aussi éprouvantes malgré la chute, en 1999, du régime militaire.
« Comme les civils, les journalistes subissent la violence quotidienne qui règne au Nigeria. Mais ils sont également les souffre-douleur réguliers des puissants, militaires, gouverneurs, ministres ou hommes d'affaires, qui bénéficient d'une totale impunité et n'ont aucun respect pour le droit à l'information. C'est pourquoi un hommage particulier doit être rendu aux journalistes nigérians, qui ont enduré l'oppression des juntes militaires, et qui aujourd'hui travaillent en bravant le mépris et la brutalité des autorités et de leurs protégés », a déclaré Reporters sans frontières.
En l'espace d'une semaine, du 13 au 17 mars 2006, pas un jour n'est passé sans qu'un professionnel de l'information ne subisse l'arbitraire ou la violence des services de sécurité, de la police ou de la justice.
Dernier cas recensé par Reporters sans frontières, Hassan Karofi, correspondant du quotidien privé Daily Trust dans l'Etat de Jigawa (Nord), a perdu connaissance après avoir été aspergé de gaz lacrymogène par les forces de police, le 17 mars 2006, lors du meeting d'un parti d'opposition. Prétextant que le nouveau parti Advanced Congress of Democrats (ACD), créé dans la perspective des élections générales de 2007, n'avait pas obtenu l'autorisation de tenir une réunion publique, une unité de la Nigerian Police Force (NPF) a pris d'assaut les sympathisants du ACD rassemblés à Dutse afin de les disperser.
Le 16 mars, la Haute Cour de l'Etat d'Ekiti (Sud-Ouest) a interdit à l'hebdomadaire The News, basé à Lagos, de publier jusqu'à nouvel ordre des informations « négatives » sur le gouverneur Ayodele Fayose. Le 6 février, le magazine avait publié une enquête sur des supposés détournements d'argent et le gâchis des fonds publics par l'administration locale. Le gouverneur Fayose a attaqué le journal en justice, réclamant la somme exorbitante de 25 milliards de nairas (plus de 160 millions d'euros) de dommages et intérêts et l'interdiction pour les journalistes de The News d'enquêter sur ses activités. Protégé par le président Olusegun Obasanjo, le gouverneur de l'Etat d'Ekiti est un habitué des attaques contre la presse. En raison des conditions de travail désastreuses de ses journalistes, la direction du magazine avait par le passé décidé de ne pas maintenir de correspondant permanent à Ado-Ekiti, la capitale de l'Etat.
Le 15 mars, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire public New Nigeria basé à Kaduna (Nord), Mahmud Jega, a été licencié par le ministère de l'Information après avoir publié un article considéré comme « anti-gouvernemental ». Le 10 mars, il avait signé un texte intitulé « Horror : Mantu Committee Adopts Third Term » (« Horreur : le Comité Mantu accepte le troisième mandat »). Le journaliste évoquait l'adoption par un comité d'élus dirigé par le vice-président du Sénat, Alhaji Ibrahim Mantu, d'une modification de la Constitution du Nigeria, autorisant le président Olusegun Obasanjo à se présenter pour un troisième mandat l'année prochaine.
Le 14 mars, à Port Harcourt, capitale de l'Etat de Rivers (Sud), une unité des State Security Services (SSS, sécurité d'Etat) a effectué une descente dans les locaux de la radio privée Rythm 93.7 FM, procédant à l'arrestation du journaliste en charge ce jour-là de l'information, Segun Owolabi. La radio, habituée des opérations coup de poing des SSS, avait, la veille, relayé l'appel à manifester du Claims Directory of Nigeria (CDN), une association locale de défense des consommateurs, afin de protester contre les coupures d'électricité régulières. Agissant sur ordre du service public d'électricité, la Power Holding Company of Nigeria (PHCN), les SSS ont détenu Segun Owolabi durant près de 24 heures sous prétexte qu'il avait tenté de « troubler l'ordre public ». Il a été libéré le lendemain suite à l'intervention du Commissaire à l'Information de l'Etat, Magnus Abe, convaincu que la détention d'un journaliste était susceptible, à son tour, de « troubler l'ordre public ».
Dans la soirée du 14 mars, à Ibadan (Sud-Ouest), Dare Aleshinloye, photographe du quotidien privé The Tribune, a été passé à tabac et son matériel a été volé par une patrouille, alors qu'il rentrait chez lui dans le quartier de Molete.
Le 8 mars, un journaliste du Saturday Punch, le supplément hebdomadaire du quotidien The Punch, a été convoqué et menacé par une commission d'enquête nommée par le chef de l'Etat, chargée de faire la lumière sur de récents affrontements meurtriers entre la police et l'armée, à Lagos (Sud-Ouest). Sesan Olufowobi avait rapporté les propos du chef d'état-major des forces armées, le Lieutenant General Martin Luther Agwai, selon lequel une telle commission était inutile et les deux factions pouvaient très bien régler le conflit à leur manière. Niant avoir jamais tenu ces propos, l'officier supérieur a fait comparaître le journaliste devant la commission, exigeant qu'il livre l'enregistrement de l'interview ou qu'il assume les conséquences de son refus.
Le 21 fevrier, Tunde Adesola, correspondant du quotidien The Punch à Osogbo, dans l'Etat d'Osun (Sud-Ouest), a été interpellé et brutalisé par cinq policiers, sous prétexte qu'il les avait « insultés ». Le journaliste avait protesté contre le fait que les agents avaient garé leur jeep devant le Ladoke Akintola University Teaching Hospital. Arrêté sans ménagement et conduit au commissariat de Oja-Oba, le journaliste a été contraint de signer une déposition pour « insultes à officier de police ».