Arrestation, censure et manipulations en marge du procès d'Aung San Suu Kyi

Reporters sans frontières et la Burma Media Association déplorent les méthodes utilisées par la junte militaire pour intimider la presse qui tente de couvrir les récents événements nationaux et internationaux. Un journaliste a été condamné à deux ans de prison après avoir été arrêté près de la résidence d'Aung San Suu Kyi. "Alors que l'émissaire des Nations unies est arrivé en Birmanie, on pourrait s'attendre à plus de tolérance de la part des autorités. Au contraire, le procès d'Aung San Suu Kyi se déroule dans un climat de répression et de censure. Nous appelons l'émissaire Ibrahim Gambari à faire preuve de fermeté dans son dialogue avec les autorités, notamment pour la libération de tous les prisonniers politiques et la fin de la censure préalable. Sans ces conditions, aucun processus de réconciliation ni aucune élection ne peut être validé", ont affirmé les deux organisations. Les deux organisations dénoncent vivement la condamnation, le 18 juin 2009, à deux ans de prison de Zaw Tun, journaliste free lance, après son départ du magazine The News Watch. Il avait été interpellé près du domicile d'Aung San Suu Kyi par un policier qui lui avait reproché une prétendue "hostilité". Il a été reconnu coupable par un tribunal de Bahan, près de Rangoon, d'entrave au travail d'un fonctionnaire. Selon un journaliste de Rangoon, Zaw Tun a été placé en détention après l'énoncé du verdict. Ainsi, le 23 juin, des agents des services de renseignements militaires se sont rendus dans plusieurs rédactions pour exiger les listes des journalistes qui ont participé à des formations en journalisme à l'ambassade américaine de Rangoon. Les deux organisations appellent les autorités à laisser les reporters birmans se former sans entraves aux techniques du journalisme. Cité par la défense comme témoin dans le procès d'Aung San Suu Kyi, le célèbre journaliste U Win Tin est l'objet d'une surveillance permanente de la part de la police spéciale. Le procureur a refusé d'accepter l'ancien prisonnier politique puisse témoigner du fait de ses nombreuses critiques du gouvernement, dans les médias étrangers notamment. La junte a imposé une censure stricte sur des sujets nationaux et internationaux. Ainsi, le Bureau de la censure (Press Scrutinity and Registration Division) a interdit la publication d'informations sur l'arrivée du cargo nord-coréen Kang Nam 1 dans un port près de Rangoon. Le bateau est suspecté de convoyer des armes. Un journaliste de Rangoon a déclaré au magazine Irrawaddy que "la plupart des journaux ont tenté de publier quelque chose sur la venue du cargo mais la censure gouvernementale a rejeté tous les articles". Par ailleurs, le Bureau de la censure a censuré certains articles sur les manifestations qui ont suivi les élections truquées en Iran. Début juin, la presse n'a pas été autorisée à publier des enquêtes sur l'écroulement de la pagode Danoke, à Dala, près de Rangoon, qui a provoqué la mort de plusieurs personnes. "On ne peut pas publier d'articles ou de photos sur cet incident car c'est la femme du général Than Shwe qui a installé l'ombrelle de la pagode, le 7 mai 2009", a expliqué aux organisations un journaliste de Rangoon. L'épouse du numéro Un de la junte est connue pour être très superstitieuse. Le 1er juin, le Bureau de la censure a menacé de sanctions l'hebdomadaire privé True News pour avoir publié, dans son numéro du 19 mai, un article du célèbre journaliste Ludu Sein Win qui affirmait que "de nombreux gouvernements ne tolèrent pas les critiques des journalistes". Les censeurs reprochent à la rédaction d'avoir modifié la Une après la validation par le Bureau. Fin 2008, Reporters sans frontières avait révélé que le Bureau de la censure avait adressé à toutes les rédactions un document détaillant dix règles imposées aux éditeurs. Les éditeurs s'exposaient à des sanctions notamment si des modifications intervenaient après vérification des autorités. Les médias d'Etat ont relayé les accusations portées par les autorités à l'encontre d'Aung San Suu Kyi, sans donner la parole à ses défenseurs. Le quotidien New Light of Myanmar a rapporté les principaux développements du procès, en insistant sur la complicité entre le prix Nobel de la paix et l'Américain William Yetaw. Dans son édition du 27 mai, le quotidien a ainsi retranscrit l'interrogatoire d'Aung San Suu Kyi par le magistrat. En revanche, les examens croisés menés par les avocats de la défense n'ont été que brièvement résumés dans la presse officielle. La presse d'Etat relaie les menaces de la junte à l'encontre de l'opposition. Ainsi, le 5 juin, New Light of Myanmar a publié les menaces des autorités à l'encontre de la branche jeunesse de la Ligue nationale pour la démocratie pour la diffusion d'un communiqué.
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Updated on 20.01.2016