Arbitraire et menaces : outils de répression des autorités tchadiennes
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Le journaliste Boulga David de la radio privée Dja FM a été interpellé par la police alors qu’il réalisait une interview de lycéens sur la rentrée scolaire. Cette arrestation arbitraire révèle une fois de plus les pressions que subissent les médias tchadiens.
Le 4 novembre, le journaliste Boulga David a été arrêté alors qu’il interviewait deux élèves aux abords du lycée Félix Eboué à N’Djamena dans le cadre d’un reportage sur la reprise des cours. Boulga David et les deux lycéens ont été embarqués par le groupe mobile d’intervention de la police (GMIP) et conduits au commissariat central, où ils ont passé plusieurs heures sous un soleil de plomb. Passé à tabac par les policiers qui l’avaient arrêté, le journaliste a ensuite été interrogé par le directeur général de la police avant d’être libéré.
L’Union des radios privées du Tchad (URPT) a condamné dans un communiqué l’arrestation arbitraire de Boulga David. Selon sa présidente Zara Mahamat Yacoub, également coordinatrice de Dja FM, interrogée par Reporters sans frontières, l’interpellation du journaliste est liée à un contexte plus large : à quelques pas du lieu de l’interview, à l’Ecole normale supérieure (ENS), se tenait une manifestation non-autorisée d’étudiants qui réclamaient le paiement de leurs arriérés de bourse. D’après les médias locaux, une centaine d’étudiants auraient été interpellés par la police lors de ce rassemblement.
« Les autorités tchadiennes pensent pouvoir étouffer la contestation en empêchant les médias de la relayer, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Mais le gouvernement ne parvient qu’à se discréditer davantage : interpeller deux lycéens et le journaliste qui les interviewait est aussi scandaleux que grotesque. Nous demandons que des poursuites soient engagées contre les officiers de police qui ont arrêté et malmené Boulga David ».
Zara Mahamat Yacoub ajoute que bien que libéré, Boulga David est toujours sous pression : « Les officiers de police qui l’ont libéré lui ont intimé l’ordre de ne parler de son arrestation à personne. Depuis, ils ne cessent de le contacter pour lui proposer un arrangement afin qu’il garde le silence ».
En novembre 2012, le journaliste avait déjà été arrêté et battu par la police alors qu’il couvrait la grève du personnel d’un hôpital.
Le sort réservé à Boulga David illustre le climat de menaces qui pèse sur les médias tchadiens. Le 10 octobre, Moustafa Ali Alifei, le président du Haut conseil de la communication (HCC), a menacé les responsables de plusieurs médias privés venus le rencontrer de sanctions sévères s’ils « ne respectent pas l’éthique et la déontologie ».
Deux jours plus tôt, la radio privée FM Liberté était mise en demeure par le HCC pour une semaine, après avoir diffusé un communiqué signé par une dizaine d’associations appelant à une journée « ville morte » pour protester contre la pénurie de carburant.
Le 4 octobre, à l’occasion de sa présentation de vœux pour la fête de Tabaski, le président Idriss Deby avait lui-même proféré des menaces à l’encontre de la presse privée, l’accusant de fomenter l’anarchie en abordant des sujets qui divisent la société tchadienne.
Le Tchad est en 139ème position sur 180 pays dans l’édition 2014 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on
20.01.2016