Après l’Ouganda, le Bénin et la Zambie se dotent d’une “dangereuse” taxe sur les réseaux sociaux
Deux mois et demi après l’entrée en vigueur d’une taxe exceptionnelle sur les réseaux sociaux en Ouganda, Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de la mise en place de ce nouvel obstacle à la production d’informations après des mesures similaires adoptées au Bénin et en Zambie.
Le hashtag #TaxePasMesMo lancé par l’association des blogueurs du Bénin est devenu viral. La campagne organisée sur le web vise à protester contre l’entrée en vigueur mercredi 19 septembre d’une taxe sur les réseaux sociaux qui a déjà pour conséquence de rendre dix fois plus cher les abonnements internet du pays incluant l’accès aux plateformes comme Facebook, Twitter ou WhatsApp, des outils aujourd’hui très largement utilisés par les journalistes pour vérifier, consulter et diffuser des informations.
Selon le décret adopté le 25 juillet dernier par le président béninois Patrice Talon, la mesure prévoit une imposition de 5 francs CFA (un peu moins d’un centime d’euro) par mégaoctet “pour l’accès à internet utilisé pour une plateforme de réseau social”. La taxe est prélevée à chaque fin de mois par le fournisseur d’accès.
“La propagation rapide de ce type de pressions économiques est inquiétante car elle augmente le coût de la production d’information, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Les journalistes vont être incités à modérer leur usage des réseaux sociaux pourtant de plus en plus utilisés pour contacter des sources, partager ou vérifier des informations. In fine, c’est la circulation et la qualité de l’information qui risquent d’être affectées par cette taxe”.
“Comment va-t-on vérifier une information si en téléchargeant la photo d’une preuve il faut payer un surcoût sous le prétexte que l’on utilise les réseaux sociaux ? s’inquiète Chérifou Riwanou, le directeur général du quotidien Le Matin Libre, joint par RSF. “L’État cherche à tout prix à nous empêcher d’utiliser ces plateformes qui représentent désormais un enjeu réel de contre-pouvoir”.
La mesure passe d’autant plus mal que les justifications du gouvernement, qui affirme que ces services font “perdre de l’argent à l’Etat”, peinent à convaincre. Le ministre de l’Economie et des Finances du Bénin a récemment provoqué un tollé en déclarant que cette taxe allait surtout sanctionner les “usages ludiques” des réseaux sociaux et les “transferts d’images qui critiquent le gouvernement”.
En Zambie, le ministre de la Communication a également parlé de “décision économique” pour justifier la “perte de revenus” pour l’Etat que provoquerait l’utilisation gratuite des réseaux sociaux alors que le pays est lui aussi sur le point d’adopter une taxe aux effets similaires. Le gouvernement a en effet annoncé le 20 août dernier que les utilisateurs d’applications permettant de passer des appels téléphoniques gratuitement seraient bientôt imposés à hauteur d’un peu moins de trois centimes d’euros par jour.
En juin, RSF avait dénoncé la taxe sur les réseaux sociaux, alors inédite en Afrique, mise en place par l’Ouganda. Le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 32 ans, avait justifié une mesure de lutte contre les “commérages” en ligne. Sa mise en place un mois plus tard avait entraîné d’importantes manifestations dans la capitale Kampala.
Le Bénin est classé 84e, la Zambie 113e et l’Ouganda 117e au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.