Algérie : RSF appelle les autorités à mettre un terme au harcèlement judiciaire du journaliste Ihsane El Kadi

Déjà condamné en juin dernier à six mois de prison, le journaliste et directeur des médias indépendants Radio M et Maghreb Émergent Ihsane El Kadi, dont le procès en appel est sans cesse repoussé, a été convoqué deux fois en moins d’une semaine fin novembre, d’abord par les gendarmes, puis par les services de renseignements. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à cesser ce harcèlement, qui ne vise qu’à museler sa liberté de ton. 

“Ihsane El Kadi, qui dirige les derniers îlots de médias libres en Algérie, fait l’objet d’un harcèlement interminable qui vise à le faire taire. Ces pressions doivent cesser. La Constitution algérienne consacrant la liberté d’opinion, le journaliste est totalement dans son droit de s’exprimer et d’exercer librement son métier. L’Algérie n’a rien à gagner à poursuivre cette politique de mise au pas des médias.

Khaled Drareni
Représentant de RSF en Afrique du Nord

"Suivez-nous, vous connaissez l’adresse." C’est ainsi que des agents des services de renseignements se sont adressés à Ihsane El Kadi, directeur du pôle Média d’Interfaces Médias, qui édite la station Radio M et le site d’information Maghreb Emergent, le 27 novembre dernier en milieu d’après-midi, au siège d’Interface Médias, au centre-ville d’Alger.

Ihsane El Kadi s’est ainsi retrouvé une nouvelle fois à la caserne Antar, où il a été interrogé pendant plusieurs heures avant d’être relâché en début de soirée. Sur les motifs de cette interpellation, le journaliste a simplement évoqué, dans un communiqué, « une prise d’information sur un contenu médiatique sans suite judiciaire ». Or, la véritable raison en serait une déclaration qu’il a faite à la Radio des sans voix, le 22 novembre dernier, dans laquelle il estimait notamment que c’est par manque de confiance que, face à l’opposition politique, le pouvoir en place en Algérie recourt à une répression systématique et un acharnement judiciaire contre ses acteurs.

Ce même 22 novembre, Ihsane El Kadi avait été convoqué à la gendarmerie de Bir Mourad Rais, , à Alger, à la suite de l’inspection, il y a un an, de Radio M par une commission commune de la wilaya d’Alger et du ministère du Commerce, qui avait débarqué dans ses locaux. Le journaliste a été interrogé sur le fonctionnement de l’agence Interface Médias, mais également sur la ligne éditoriale de Radio M et sur les critiques du régime émises dans plusieurs de ses émissions. 

Ihsane El Kadi avait déjà "séjourné" à la caserne Antar le 10 juin 2021, à la veille des élections législatives, pour, notamment, "diffusion de fausses informations à même de porter atteinte à l’unité nationale", "perturbations des élections" et "réouverture du dossier de la tragédie nationale" des années 1990, en référence à la décennie de guerre intérieure. Sa détention avait duré une trentaine d’heures. Le journaliste Khaled Drareni et l’opposant Karim Tabbou avaient été également été arrêtés.

Le 7 juin 2022, Ihsane El Kadi a été condamné, par le tribunal de Sidi M’Hamed, à Alger, à six mois de prison ferme sans mandat de dépôt et à 50 000 dinars d’amende (322 euros), à la suite à une plainte du ministre de la Communication de l’époque, Amar Belhimer, contre un article d’opinion publié sur le site de Radio M le 23 mars 2021 appelant les militants du Hirak à prendre en compte le courant islamo-conservateur incarné par Rachad. Les mêmes chefs d’accusation de "diffusion de fausses informations à même de porter atteinte à l’unité nationale", "perturbations des élections" et "réouverture du dossier de la tragédie nationale" des années 1990, ont été retenus contre lui. Son procès en appel, prévu initialement en juillet dernier, a été repoussé au 11 décembre prochain. 

Ihsane El Kadi est l’objet d'intimidations croissantes du pouvoir depuis des années. Les pressions contre les journalistes se sont fortement aggravées depuis le début du Hirak en Algérie, en février 2019.

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