A partir du 1er janvier 2006, le journal Solidarnost cessera d'exister. Interdit de distribution en kiosques, il ne pourra subsister que dans sa version Web ou clandestinement. Reporters sans frontières condamne sans réserves la décision des autorités bélarusses de couper toutes les ressources des journaux indépendants.
A partir du 1er janvier 2006, le journal Solidarnost sera introuvable dans les kiosques du Bélarus. Le 30 novembre 2005, l'entreprise d'Etat Belsayuzdruk, détenant le monopole de la distribution des journaux, a annoncé, sans explication, que le contrat signé avec le journal ne serait plus renouvelé. Le 9 novembre, la poste d'Etat avait informé le journal qu'il ne serait plus diffusé à ses abonnés dès début 2006. Le premier coup mortel avait été donné en janvier 2004 par l'unique imprimerie contrôlée par l'Etat, Krasnaya Zvezda, qui avait fermé ses portes à Solidarnost, l'obligeant à aller se faire imprimer ailleurs chez le voisin russe, à Smolensk.
« Reporters sans frontières condamne sans réserves la décision des autorités bélarusses de couper toutes les ressources des journaux indépendants. L'arsenal de mesures administratives répressives déployé contre la presse montre l'acharnement du président Loukachenko à faire taire systématiquement toute opinion critique. L'objectif du Président est de faire du Bélarus un pays sans opposition pour lui permettre une réélection magistrale à la prochaine présidentielle de 2006. Tous les médias sont dans la ligne de mire du chef de l'Etat et il y a fort à parier que cette situation atteindra son paroxysme à l'approche du scrutin présidentiel », a déclaré Reporters sans frontières.
Créé en 1991 au moment où le Bélarus allait devenir une république indépendante et se séparer du bloc soviétique, Solidarnost était au départ le journal de l'Union des syndicats indépendants. Il s'est progressivement transformé en tribune d'opposition modérée au régime du président Loukachenko, publiant en russe et en biélorusse. Ces derniers temps, les ventes du journal étaient en hausse, avec plus de 95% de numéros écoulés sur un tirage total de 5 400 exemplaires.
Un premier avertissement sanglant avait été donné au journal le 20 octobre 2004, avec l'assassinat à coups de couteau de Véronika Cherkasova, journaliste de la rédaction, à son domicile de Minsk. La piste professionnelle a été d'emblée écartée par le parquet bélarusse alors que la journaliste enquêtait sur des ventes d'armes du Bélarus au régime irakien de Saddam Hussein.
L'arrêt de la distribution dans les kiosques porte le coup de grâce à Solidarnost qui, d'après son rédacteur en chef, Alexandre Starikevitch, ne pourra plus exister que sur Internet ou clandestinement, tels les samizdats de l'époque soviétique où la littérature dissidente circulait sous le manteau. « Officiellement, on ne nous interdit rien mais on nous coupe tout moyen d'existence », a ajouté le journaliste. Les tirages trop faibles ne permettent pas au journal d'espérer un financement suffisamment important de la publicité pour être distribué gratuitement. Les journalistes de la rédaction essaient de se faire embaucher par d'autres confrères.
Depuis le début de l'année, plus de quinze journaux indépendants ont été frappés par les entreprises d'Etat monopolistiques qui refusent d'assurer leur impression et leur distribution par abonnement, les poussant à sortir du territoire pour continuer à subsister.