Al-Sharqiya à nouveau victime de pressions politico-judiciaires

Reporters sans frontières exprime son inquiétude suite à l’annonce encore officieuse, le 13 août 2009, de la condamnation de la chaîne de télévision satellitaire arabophone basée à Dubaï Al-Sharqiya à verser une amende de 100 millions de dinars (environ 87 000 euros), suite à une plainte pour “attaque personnelle“ et “diffamation“ émanant du porte-parole du commandement des opérations à Bagdad, Qassem Atta Al-Moussawi. “Alors que les Irakiens ont publiquement exprimé, le 14 août dernier, leur volonté de bénéficier d’une réelle liberté de presse, encadrée par un code de loi plus juste et garant de la sécurité de ses journalistes, cette condamnation est un triste camouflet pour la liberté d’expression en Irak. Les pressions politiques sur la justice doivent cesser, et il devient plus qu’urgent que l’Irak se dote d’un nouveau code pour ses médias, afin de garantir un travail critique et indépendant. Les délits de presse ne doivent plus être régis par le code pénal”, a déclaré l’organisation. En avril dernier, reprenant des informations du journal Al-Hayat, la chaîne Al-Sharqiya avait diffusé, comme de nombreux médias arabes, les propos du porte-parole du commandement des opérations à Bagdad, affirmant que les anciens prisonniers irakiens, détenus par les forces américaines et récemment libérés, allaient être à nouveau incarcérés dans des prisons sous contrôle irakien. Qassem Atta Al-Moussawi avait par la suite démenti avoir fait de telles déclarations, et avait porté plainte, en avril 2009, contre Al-Sharqiya, réclamant cinq milliards de dinars (soit 3 millions d’euros) de “dommages et intérêts“. Le 13 août, Qassem Atta Al-Moussawi s’est publiquement réjoui de la condamnation de la chaîne, même si l’amende exigée par la cour est inférieure à la somme qu’il avait initialement exigée. Contacté par Reporters sans frontières, Ali Wajih, propriétaire d’Al-Sharqiya, a déclaré : “Cette condamnation est illégale. La chaîne n’a jamais reçu de notification qu’une plainte avait été déposée à son encontre. Aucun avocat n’a donc pu défendre nos intérêts. C’est par le porte-parole militaire lui-même que nous avons appris la condamnation. Nous n’avons toujours pas reçu d’ordonnance de la Cour nous obligeant à payer cette amende. Tout ceci est contraire au code pénal irakien. Ce genre de procès prenant beaucoup plus de temps en général. Je laisse aux organisations internationales et à l’opinion publique internationale la responsabilité de juger de la réalité des pressions exercées pour qu’un tel verdict soit rendu. Cette décision est une nouvelle violation de la liberté de la presse dans le pays”. Tariq Harb, avocat et président de l’Association de la culture juridique irakienne, a cependant ajouté : « Cette décision d’infliger une amende à la chaîne est en attente. La Cour peut annuler cette décision si les deux parties trouvent un accord ». Depuis son implantation en Irak en 2004, Al-Sharqiya a été une des premières chaînes à évoquer les difficultés rencontrées par les forces de sécurité irakiennes sur le terrain face aux groupes armés et terroristes, analysant les stratégies à venir en terme d’objectifs sécuritaires. Elle a mis en évidence les velléités de l’armée irakienne à ne pas divulguer aux Irakiens toutes les informations en sa possession. Du fait du contenu de ses programmes, et malgré la diffusion quotidienne des communiqués officiels dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la chaîne a reçu plusieurs mises en garde de la part des autorités irakiennes, et son bureau à Bagdad a subi plusieurs fermetures temporaires, avant la définitive, sur ordre du gouvernement irakien, en 2006. Avec un bureau à Erbil, la chaîne est toujours présente au Kurdistan irakien.
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Updated on 20.01.2016