Ahmet Sik et Nedim Sener incarcérés
Organisation :
Reporters sans frontières est profondément choquée par la décision de la 10ème chambre de la cour d’assise d’Istanbul d’incarcérer les journalistes Ahmet Sik et Nedim Sener. À l’issue de leur garde-à-vue, les deux hommes ont été inculpés et emmenés en détention dimanche 6 mars. Si le motif d’«incitation à la haine» a été abandonné, ils restent poursuivis pour « appartenance à l’organisation terroriste Ergenekon », tout comme 4 journalistes d’Odatv.
Nous sommes tout simplement abasourdis par cet acharnement incompréhensible, qui semble témoigner d’une volonté farouche de l’appareil judiciaire de contrôler toutes les informations concernant l’affaire Ergenekon. Les raisons de leur incarcération restent très floues. Le procureur a fait savoir que cette décision n’était pas en lien avec leurs activités journalistiques mais qu’il ne pouvait pas révéler, pour raison de confidentialité, les « preuves » dont il disposait contre eux. On pourrait attendre de la Justice qu’elle rende publics les éléments qu’elle a à charge contre les journalistes.
La dernière vague de perquisitions et d’arrestations a entraîné un mouvement de mobilisation très important. Plus de 2000 personnes, dont des centaines de journalistes, se sont rassemblées vendredi 4 mars à Istanbul (voir les photos en bas de page). Un autre rassemblement a eu lieu à Ankara pour réclamer la libération immédiate des journalistes. Dimanche soir, environ 200 personnes ont organisé un sit-in devant le Palais de justice d’Istanbul où Sik et Sener étaient interrogés. Ils ont déposé caméras et appareils photos pour bloquer la route.
Reporters sans frontière exprime tout son soutien à la Plateforme "Liberté pour les journalistes" (GÖP), qui a dénoncé dans un communiqué le «climat d’intimidation et d’oppression» et invité le gouvernement à «faire les pas démocratiques nécessaires», notamment par le biais de réformes du Code Pénal.
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04/03/2011-Des journalistes d'investigation victimes de perquisitions et arrestations en série
Reporters sans frontières s’indigne de la vague de perquisitions et d’interpellations qui a touché des journalistes jeudi 3 mars à Istanbul et Ankara, dans le cadre d’une enquête sur un complot présumé visant le gouvernement. Alors qu’ils ont largement contribué à faire la lumière sur cette affaire, les journalistes d’investigation sont pris en otage dans l’affrontement entre le gouvernement et les milieux d’opposition kémaliste.
Reporters sans frontières dénonce l’invocation répétée du motif d’ « appartenance à une organisation terroriste » pour toucher des journalistes qui ne font que leur travail dans un contexte de règlement de comptes politiques et idéologiques. Nous nous inquiétons de la tendance lourde, intervenant après une période de relâchement, qui vise les journalistes porteurs d’informations ne correspondant pas à la ligne du pouvoir en place.
Jeudi matin, au moins 11 personnes ont été perquisitionnées à leur domicile par des policiers de la section anti-terroriste d’Istanbul. Le mandat a été délivré par le procureur Zekeriya Oz, chargé de l’enquête sur le complot présumé d’Ergenekon, groupuscule militaro-nationaliste d’origine kémaliste, contre le gouvernement islamo-conservateur. Des ordinateurs, carnets de notes et documents ont été confisqués, des disques durs intégralement copiés, en violation flagrante de la protection des sources journalistiques.
De plus, alors que 3 journalistes de odatv, site critique du parti AKP au pouvoir, sont encore retenus en prison à Istanbul depuis le 18 février, de nouvelles personnes ont été arrêtées, lors d’un vaste mouvement de répression qui touche également des écrivains et des universitaires proches de l’opposition. Parmi eux, figurent un autre journaliste d’odatv Sait Kilic mais également Ahmet Sik et Nedim Sener.
Ahmet Sik, enseignant à l’université Bilgi d’Istanbul et collaborateur de nombreux titres de presse incluant Milliyet, Cumhuriyet et Bianet, est à l’origine de nombreuses révélations sur l’affaire Ergenekon, sur laquelle il a publié plusieurs livres. Il travaille actuellement à la rédaction d’un document sur l’infiltration de la police par des éléments de la secte islamiste Gülen.
Nedim Sener, du quotidien libéral Milliyet, est quant à lui l’auteur d’un livre sur le meurtre de Hrant Dink, pour lequel il avait été menacé et poursuivi. Il a été désigné « héros de la liberté de la presse » dans le monde en 2010 par l’International Press Institute.
En Turquie et à l’étranger, ce nouveau coup de filet a suscité un large mouvement d’indignation. Évènement inédit, et qui souligne la gravité de l’affaire, un rassemblement est prévu aujourd’hui sur la place Taksim à Istanbul, à l’initiative de la Plateforme "Liberté pour les journalistes" (GÖP), qui réunit 24 organisations de journalistes turcs.
Reporters sans frontières réclame la libération immédiate et sans conditions des journalistes interpellés, dans le respect du droit international.
--------------------------------------------------------------------------------------------Photos de la manifestation place Taksim à Istanbul le 4 mars.
Publié le
Updated on
20.01.2016