читать на русском
“L'agression, le 6 septembre 2007, à Kazan, par des policiers en civil, de la documentariste
Natalia Petrova et de sa famille est un acte odieux et incompréhensible. Nous exigeons qu'une enquête soit ouverte dès aujourd'hui et que les responsables soient identifiés et punis. Il n‘est plus possible pour les autorités d‘ignorer ce qui s‘est passé et si Natalia Petrova ou ses proches étaient de nouveaux victimes de représailles, nous considèrerions le gouvernement comme complice”, a déclaré Reporters sans frontières.
“A quelques heures de l'ouverture à Mafra (Portugal) du sommet Union européenne/Russie, et dans le contexte de la fin du mandat présidentiel de Vladimir Poutine, nous constatons que la violence à l'égard des journalistes n'a pas été endiguée et qu'il existe des régions où l'impunité est la règle absolue”, a déploré l'organisation de défense de la liberté de la presse.
Il est difficile d'établir clairement la cause directe de cette agression. Selon une information non confirmée, parue sur le site d'une agence d'information tatare, la documentariste se serait opposée à une convocation au poste de police pour une affaire de “diffamation”.
Plusieurs facteurs pourraient être à l'origine des violences subies par Natalia Petrova. Pour Andreï Mironov, de l'organisation Mémorial, qui l'a rencontrée en Tchétchénie, il ne fait aucun doute que la réalisatrice a été agressée en raison de sa profession et des films qu'elle tournait, mais aussi du fait de son mariage avec un homme d'origine tchétchène. Ce dernier a dû s'éloigner de sa famille en raison des intimidations dont ils étaient victimes. Leurs deux filles âgées de neuf ans ont été prises à partie à plusieurs reprises à l'école, au motif que leur père était tchétchène.
Andreï Mironov insiste sur le fait que c'est la position du pouvoir vis-à-vis des membres de la société civile qui a changé. “On assiste à un renforcement évident des pressions”, a -t-il déclaré.
Le 6 septembre 2007, à Kazan (Tatarstan, 720 kilomètres au sud-est de Moscou), Natalia Petrova a tout d'abord cru être victime d'une tentative d'enlèvement quand deux hommes en civil, dont l'un sentait fortement l'alcool, se sont saisis d'elle devant l'école où elle venait de conduire ses filles. Ses agresseurs lui ont déclaré qu'ils allaient l'interner de force en hôpital psychiatrique jusqu'à la fin des élections. La réalisatrice a réussi à leur échapper et a couru chez elle où se trouvait sa mère, âgée de 70 ans, Nina Petrova. Alors qu'elle tentait d'appeler la police, elle s'est rendu compte que sa ligne avait été coupée. Elle a alors demandé à son père, Guennadi Petrov, 84 ans, de ramener ses filles de l'école.
Quelques heures plus tard, alors qu'il revenait avec ses petites-filles, trois policiers en civil sont entrés dans l'appartement. Ils ont frappé Natalia Petrova à plusieurs reprises au cou, mais aussi aux mains et aux jambes. L'un d'eux a piétiné ses mains en déclarant : “Comme cela, tu n'écriras plus.” Natalia Petrova a perdu connaissance. Pendant ce temps, son père était repoussé dans un coin de la pièce, tandis que sa mère, qui essayait de s'interposer, était frappée, notamment au ventre. Les deux fillettes qui ont également tenté de défendre leur mère ont été malmenées. L'une d'elles a perdu une dent.
Pendant l'agression, les trois policiers ont passé des appels téléphoniques à un homme dénommé “Slava” (diminutif de Viatcheslav) qui leur donnait des directives et leur annonçait l'arrivée de “renforts”. Ils ont ensuite menotté la journaliste et l'ont traînée dehors. Des voisins, alertés par les cris, ont tenté de protester en vain. Une ambulance appelée par l'un d'eux a été renvoyée par les agresseurs sous le prétexte d'une “fausse alerte” .
Natalia Petrova a été jetée dans une voiture de police stationnée devant l'immeuble. Elle a de nouveau reçu des coups, auxquels des brûlures de cigarettes se sont bientôt ajoutées. Elle a encore perdu connaissance avant de retrouver ses esprits dans la cour du département de police du district de Moskovsky (Kazan). Elle a passé plusieurs heures dans une cellule avant d'être relâchée.
Jointe par Reporters sans frontières, Natalia Petrova est très inquiète pour sa sécurité et celle de ses proches. Elle reçoit toujours des appels menaçants. Ses filles, traumatisées par ce qui est arrivé à leur mère, refusent de sortir et de se rendre à l'école. L'une d'elles est alitée avec beaucoup de fièvre. Leur grand-mère doit également garder le lit et souffre toujours des coups qu'elle a reçus.
Natalia Petrova a déclaré avoir reconnu la voix de l'homme qui donnait des ordres à ses agresseurs. Il s‘agirait de Viatcheslav Prokofiev, responsable du département local de police. En 2005, elle avait déjà eu affaire à lui, lors d'une rencontre de chefs d'Etat à Kazan. Deux hommes avaient essayé de l'entraîner avec eux alors qu'elle attendait un bus pour se rendre au sommet. Une enquête criminelle avait alors été ouverte. Elle n'a abouti à aucun résultat.
La réalisatrice, qui a travaillé en Tchétchénie pendant la première guerre, mais aussi en Abkhazie et au Karabakh, a déclaré qu'elle pensait trouver une “terre paisible” au Tatarstan, mais qu'elle s'était trompée. “Mais que faut-il que nous vivions pour que nous prenions enfin conscience de ce qui se passe ? Ces hommes riaient pendant qu'ils me frappaient”, a-t-elle raconté. Elle a insisté pour que ce qui lui est arrivé soit rendu public, non seulement pour elle, mais pour toutes les personnes qui ont pu subir les mêmes violences.
Natalia Petrova a notamment réalisé les films “Abkhazie mon amour”, “Les enfants du Karabakh” et “L'ancienne terre des Tchétchènes”. Elle a été exposée à de nombreuses pressions ces dernières années.