Affaire Zahra Kazemi. Un seul responsable désigné par le parquet. La mascarade continue

La branche criminelle du parquet de Téhéran, présidée par le juge enquêteur Javad Esmaeli, a rendu publiques ses conclusions, lundi 22 septembre, marquant ainsi la fin des enquêtes officielles du parquet. La justice iranienne écarte toute responsabilité des institutions étatiques dans le meurtre de Zahra Kazemi et accuse, sans le nommer, un agent du ministère des Renseignements (dont on ne sait pas s'il s'agit du même agent préalablement mis en cause le 25 août) qui aurait interrogé la journaliste irano-canadienne. Celui-ci est inculpé de meurtre " quasi intentionnel ", étant entendu par cette formulation que l'accusé n'a pas porté les coups à Zahra Kazemi avec l'intention de la tuer. "Que signifient de telles conclusions ? Zahra Kazemi est restée 77 heures en détention, passant successivement aux mains des services du parquet, puis de la police et enfin des services du ministère des Renseignements. Rappelons que, selon la commission d'enquête du président Khatami, Zahra Kazemi a été " battue " dans les premières heures de son arrestation. Comment le résultat de l'enquête de M. Esmaeli peut-il contredire à ce point celui publié par la commission du président Khatami ? Pourquoi n'y a-t-il qu'un seul inculpé ? Comment cet agent a-t-il pu frapper Zahra Kazemi à l'insu de tout supérieur hiérarchique ? Est-il possible qu'aucun responsable civil ou militaire n'ait su que la journaliste avait été battue ? ", interroge Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Nos doutes sur la véracité de ces conclusions sont d'autant plus forts que M. Esmaeli a pour supérieur hiérarchique Saïd Mortazavi, procureur de Téhéran, lui-même mis en cause dans l'affaire. Nous espérons que la commission dite "de l'article 90" publiera ses conclusions sans aucun compromis," a-t-il ajouté. Le 23 septembre, le ministre canadien des Affaires étrangères, Bill Graham a rencontré son homologue iranien, Kamal Kharrazi et a obtenu de celui-ci l'assurance que les autorités canadiennes et la famille de Zahra Kazemi pourront participer au procès, dont la date n'a pas encore été fixée. Reporters sans frontières espère que ni les autorités iraniennes, ni les autorités canadiennes ne se satisferont des résultats du juge Esmaeli. Cette affaire ne sera élucidée que lorsque toutes les responsabilités auront été établies. Le ministère des Renseignements, réputé proche des réformateurs, a réagi avec virulence à l'annonce de la mise en cause de l'un de ses membres et a immédiatement menacé de divulguer (une fois encore) toutes les preuves en sa possession qui semblent mettre en cause les services du procureur Mortazavi. Les conclusions de l'affaire sont confisquées par la lutte acharnée entre réformateurs proches du président Mohammad Khatami et les conservateurs liés au Guide Ali Khamenei. Cette lutte fait obstacle à l'établissement de la vérité et rend plus que nécessaire une enquête indépendante et impartiale à laquelle doivent participer des experts internationaux. Zahra Kazemi, journaliste irano-canadienne, résidente au Canada, avait été interpellée le 23 juin 2003 alors qu'elle photographiait des familles de détenus devant la prison d'Evine à Téhéran. Battue au cours de sa détention, elle est décédée des suites d'une hémorragie cérébrale consécutive à une fracture du crâne, le 10 juillet. Après avoir tenté de dissimuler les causes de la mort de la journaliste, les autorités iraniennes ont reconnu, le 16 juillet, par la voix du vice-président M. Ali Abtahi, qu'elle avait été "battue" Son corps a été inhumé dans la précipitation, sa mère, vivant en Iran, ayant reçu des pressions pour l'enterrer très rapidement, contrairement à sa volonté de rapatrier au Canada le corps de sa fille. Ce rapatriement du corps est, depuis, demandé instamment par le fils de Zahra Kazemi et les autorités canadiennes.
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Updated on 20.01.2016