L'arrêt définitif que la CEDH doit rendre dans l'affaire opposant la Confédération helvétique à Martin Stoll, pourrait entraîner des changements substantiels dans l'exercice de la profession de journaliste en Suisse. À commencer par une réforme du code pénal.
Le 7 février 2007, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rouvert, à la demande de la Suisse, l'affaire Stoll, du nom du journaliste du SonntagsZeitung, condamné en 1999 à 800 francs suisses d'amende pour avoir publié « des débats officiels secrets » (article 293 du code pénal). En janvier 1997, Martin Stoll avait fait paraître deux articles contenant des extraits d'un rapport « confidentiel » de l'ambassadeur Suisse aux États-Unis, Carlo Jagmetti, consacré aux négociations alors en cours entre son pays et le Congrès juif mondial au sujet des « fonds juifs ». En 2001, le journaliste avait saisi la CEDH qui, le 25 avril 2006, a rendu un arrêt considérant que la Suisse avait porté atteinte à la liberté d'expression du journaliste dont la condamnation était contraire à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
“Cette décision revêt un caractère crucial. En effet, si la CEDH confirme son jugement, la réforme du code pénal suisse et, en particulier de l'article 293, dans un sens plus favorable à la liberté, de la presse apparaîtra comme nécessaire. Abrogation pure et simple ou aménagement, il importe surtout que les journalistes ne soient plus concernés par l'application de l'article 293. En outre, une telle réforme aurait des répercussions directes sur d'autres affaires en cours, comme celle du SonntagsBlick ”, a déclaré Reporters sans frontières .
Le 6 février 2007, le tribunal militaire n° 6 a en effet annoncé la mise en accusation de trois journalistes de l'hebdomadaire SonntagsBlick pour avoir publié en 2006, un document “traitant de soi-disant lieux de détention ainsi que de méthodes d'interrogatoire du service de renseignement de l'étranger américain (CIA) “. Christoph Grenacher, Sandro Brotz et Beat Jost encourent une peine de cinq ans d'emprisonnement pour « violation de secrets militaires ». D'après l'acte d'accusation, la publication du document aurait causé un tort important au service de renseignement stratégique suisse.
La réouverture de ce dossier a le mérite de relancer le débat sur les limites dans lesquelles s'exerce la profession de journaliste et les obligations qui s'appliquent aux professionnels des médias. Le verdict définitif que la Grande Chambre doit rendre ultérieurement entraînera peut-être une évolution substantielle de l'exercice de la profession de journaliste d'investigation en Suisse.