A l'issue d'un rendez-vous avec les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot, Reporters sans frontières, Osange Silou-Kieffer et la famille du journaliste disparu en 2004 en Côte d'Ivoire expriment leur incompréhension après qu'un témoin a fait état de pressions de l'Elysée, le dissuadant de livrer son récit aux juges d'instruction en charge de l'affaire.
A l'issue d'un rendez-vous avec les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot, Reporters sans frontières, Osange Silou-Kieffer et la famille du journaliste disparu en 2004 en Côte d'Ivoire expriment leur incompréhension après qu'un témoin a fait état de pressions de l'Elysée, le dissuadant de livrer son récit aux juges d'instruction en charge de l'affaire.
Les parties civiles demandent au ministère public de confier au plus vite une information judiciaire aux juges Ramaël et Blot, afin de faire la lumière sur cet incident.
"Les affirmations de ce témoin sont graves et doivent être vérifiées. Le ministère public doit permettre aux juges d'instruction d'établir les faits et les responsabilités dans cet incident, qui vient parasiter une affaire déjà suffisamment compliquée par la raison d'Etat", ont déclaré Reporters sans frontières et la famille Kieffer.
Le 21 juillet 2008, un témoin a pris contact avec le juge Patrick Ramaël, expliquant qu'il était disposé, sous couvert de l'anonymat, à fournir des informations dans le cadre de l'instruction pour "enlèvement et séquestration" ouverte après la disparition à Abidjan (Côte d'Ivoire), le 16 avril 2004, du journaliste indépendant Guy-André Kieffer.
Le 24 juillet, le juge a demandé et obtenu l'autorisation du procureur de la République, ainsi que du juge des détentions et des libertés, d'entendre le témoin sous couvert de l'anonymat. Dans sa note, le juge communiquait l'identité du témoin, conformément à la procédure.
Le 28 juillet à 15 heures, le témoin, comme convenu, s'est présenté au palais de justice pour être entendu, mais a signifié au juge Ramaël, au dernier moment, qu'il ne souhaitait plus témoigner. Il a fait état de "pressions" de la part de deux personnes. La seule à avoir été nommée est Patrick Ouart, conseiller du président de la République française Nicolas Sarkozy, chargé des questions de justice.
Le juge d'instruction a alors versé au dossier une note relatant l'incident et a convoqué Patrick Ouart pour l'entendre en tant que témoin. Lors de son audition, le 23 septembre, M. Ouart a nié avoir pris contact avec un témoin quelconque et avoir exercé des pressions sur lui. Le lendemain, M. Ouart a déposé plainte contre X pour "dénonciation calomnieuse".
Les juges d'instruction Patrick Ramaël et Nicolas Blot n'ont pas encore été saisis de cette plainte et le ministère public n'a pas encore répondu à leur demande de saisine pour "subornation de témoin".
Reporters sans frontières, la famille et l'épouse de Guy-André Kieffer, ainsi que le syndicat SNJ-CGT, sont parties civiles dans l'affaire.
Rappel des faits
Le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer a été kidnappé par un commando sur le parking d'un supermarché d'Abidjan, le 16 avril 2004, après avoir été attiré dans un piège par Michel Legré, beau-frère de Mme Simone Gbagbo, l'épouse du président. Celui-ci a été mis en examen le 21 octobre 2004 par le juge d'instruction français Patrick Ramaël pour “enlèvement et séquestration”. Supposé être placé en résidence surveillée à Abidjan, après un an et demi de détention, il circule pourtant librement, y compris hors du pays.
Jean-Tony Oulaï, un ressortissant ivoirien se disant “ex-capitaine” de l'armée, et que certains témoins accusent d'avoir supervisé l'enlèvement du journaliste, a également été mis en examen pour “enlèvement et séquestration” en janvier 2006 en France et placé en détention. Mais l'enquête se heurte aux mauvaises relations entre la France et la Côte d'Ivoire, aux difficultés pour mener des recherches sur place, et à l'omerta qui entoure les protagonistes de l'affaire, tous proches de la présidence ivoirienne.