Affaire Gongadze : « La manifestation de la vérité est de nouveau entravée et repoussée »

Le parquet général ukrainien a informé, le 6 décembre 2010, que le volet de l’enquête sur l’assassinat du journaliste Georgiy Gongadze concernant l’ancien colonel Olexi Poukatch avait été clos et transmis à la justice. Les investigations n’ont pas permis, selon le communiqué publié par le service de presse de la juridiction, de poursuivre d’autres personnes que l’ancien général agissant sur l’ordre de l’ancien ministre de l’Intérieur ukrainien, Iouri Kravchenko, décédé en 2005. Nous sommes particulièrement perplexes face aux déclarations du procureur général. La transmission du dossier relatif au seul ex-officier, s’explique en termes de respect du délai légal de détention provisoire. Mais il en découle que la manifestation de la vérité dans un assassinat qui, de l’aveu du parquet lui-même, implique de hautes personnalités politiques est encore repoussée et entravée. Si l’on trace un parallèle avec l’affaire Anna Politkovskaïa, en Russie, on s’aperçoit alors que la scission des affaires en plusieurs volets est de nature à compliquer l’élucidation des crimes. Elle témoigne surtout de l’absence de détermination à traduire en justice les instigateurs des assassinats. L’impunité est une gangrène. Tant qu’il demeurera impuni, l’assassinat de Georgiy Gongadze contribuera à entretenir le sentiment que les journalistes ne sont pas en sécurité en Ukraine. Nous saisissons cette opportunité pour interpeller les responsables de l’enquête sur la disparition de Vasyl Klymentyev et leur demander quels sont les derniers éléments recueillis à ce sujet. En septembre dernier, nous avions fait part de nos inquiétudes après la disparition d’un informateur clé du journaliste assassiné, les pressions exercées sur l’épouse de ce dernier, et la perquisition sans mandat du domicile de leur avocat. Début décembre, le vice-ministre de l’Intérieur avait indiqué que la piste professionnelle était l’une des principales hypothèses. Nous craignions d’assister à une nouvelle affaire Gongadze. Aujourd’hui, la situation est des plus préoccupantes dans le pays pour la presse et les journalistes. Olexi Poukatch l’ancien chef du service de renseignements du ministère de l’Intérieur, arrêté en juillet 2009, est poursuivi pour homicide volontaire avec circonstances aggravantes (article 93, paragraphe C et F) et abus de pouvoir dans le cadre de fonctions officielles (art. 365, 364, 166). Il a reconnu avoir étranglé et décapité le journaliste le 16 septembre 2000. Selon le parquet général, l’affaire devrait être jugée en janvier 2011. Le 15 mars 2008, la Cour suprême de Kiev avait condamné trois anciens policiers, Valeriy Kostenko, Mykola Protasov et Oleksander Popovych à des peines de prisons supérieures à dix ans pour l’assassinat rédacteur en chef du journal en ligne Ukrainska Pravda. Agé de 31 ans au moment de sa disparition, Georgiy Gongadze avait dénoncé de nombreuses affaires de corruption impliquant des membres du gouvernement de Leonid Koutchma, chef de l’Etat de 1994 à 2005.
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Updated on 20.01.2016