Affaire Ergenekon : remise en liberté de quatre journalistes interpellés, l'un d‘entre eux, Mustafa Balbay, interdit de quitter le pays

Les quatre journalistes arrêtés le 1er juillet 2008, dans le cadre d'une vaste opération de police visant l'organisation clandestine "Ergenekon" ont finalement été libérés. Le dernier d'entre eux, le chroniqueur et représentant à Ankara du quotidien kémaliste Cumhuriyet, Mustafa Balbay, a été remis en liberté le 5 juillet en début de soirée. Toutefois, le 8 juillet, le procureur chargée de l'enquête sur l'"Ergenekon" a fait appel de sa remise en liberté. Il lui est également interdit de quitter le territoire turc et selon une information non confirmée, il devrait t être mis en examen. La 13 e Chambre de la cour d'assises d'Istanbul devra prochainement statuer sur l'appel du procureur qui demande qu'un nouveau mandat d'arrêt soit délivré. Interrogé à partir du 4 juillet, par le procureur Nihat Taskin, Mustafa Balbay était accusé d'”appartenance à une organisation terroriste armée" et d'"incitation à l'insurrection armée contre le gouvernement". Le journaliste a comparu devant un juge de la 13 e chambre de la Cour d'assises d'Istanbul. Après deux heures d'audience, il a été remis en liberté vers 19 heures. A sa sortie du palais de justice, Mustafa Balbay a affirmé qu'il n'avait jamais approuvé aucun pouvoir autre que la démocratie, qu'il n'avait jamais été favorable à un coup d'Etat et que ses écrits en témoignaient. Dans le numéro du 6 juillet de Cumhuriyet, Mustafa Balbay est revenu sur son interrogatoire et a précisé qu'on lui a demandé les raisons pour lesquelles il était en possession de documents confidentiels provenant des services de renseignement turc (MIT), de l'Etat-Major et du ministère de l'Intérieur. Le journaliste explique que ces documents lui ont été envoyés à son nom, à son bureau d'Ankara. "Je n'ai pas utilisé ces documents confidentiels à d'autres fins que la préparation d'un livre et pour les valoriser dans mes chroniques, pour éclairer mes lecteurs. Ce type de documents constitue une importante source d'information et vous les trouverez dans les bureaux de la plupart de mes confrères dans la capitale", a-t-il affirmé au juge. Le directeur de la rédaction du quotidien d'extrême droite Tercüman, Ufuk Büyükçelebi, le journaliste Erol Mütercimler et un reporter de la chaîne publique TR", Murat Avar, eux aussi interpellés le 1 er juillet 2008, ont été libérés le 4 juillet par le parquet d'Istanbul. On ne sait pas encore si un procès sera intenté contre les quatre journalistes. Des médias turcs ont annoncé que l'acte d'accusation de 2500 pages de l'affaire "Ergenekon" allait être prochainement publié. Parmi les neuf personnes qui auraient été inculpées le 6 juillet figurent deux militaires en reraite, les généraux Hursit Tolon et Sener Eruygur ainsi que Sinan Aygün, le président de la Chambre de commerce d'Ankara. Ce sont les dernières inculpations survenues dans le cadre de l'enquête menée, depuis treize mois, contre l'organisation clandestine "Ergenekon", dont l'objectif est, selon les autorités, de créer un climat de terreur conduisant à un coup d'Etat militaire mettant fin au gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP), dit "islamiste modéré" et actuellement menacé d'interdiction par la cour de cassation. ---------------------------- 4 juillet 2008 Plusieurs journalistes placés en garde à vue dans le cadre d'une opération de police contre l'organisation “Ergenekon” soupçonnée de préparer un coup d'Etat Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, une vaste opération de police visant l'organisation clandestine ultranationaliste « Ergenekon » s'est déroulée à Ankara, Istanbul, Trabzon et Antalya, le 1er juillet 2008, à sept heures du matin. Vingt-cinq personnes ont été arrêtées à leur domicile et placées en garde à vue, dont quatre professionnels des médias. Il s‘agit de Mustafa Balbay, chroniqueur et respondable du bureau d'Ankara du quotidien kémaliste Cumhuriyet, de Ufuk Büyükçelebi, directeur de la rédaction du quotidien d'extrême droite Tercüman, d'Erol Mütercümler, un présentateur de télévision, et de Murat Avar, un reporter de la chaîne publique TRT. Leurs domiciles, ainsi que les bureaux de Cumhuriyet à Ankara et de Tercüman à Istanbul ont été perquisitionnés. Deux d'entre eux - Ufuk Büyükçelebi et Murat Avar - ont été libérés le 4 juillet. Les autres sont toujours entendus par les magistrats. Parmi les personnes interpellées figurent aussi quatre généraux à la retraite, Hursit Tolon, ex-commandant de la première armée, Sener Eruygur, ancien chef de la gendarmerie nationale et président de l'Association pour la Pensée d'Atatürk (ADD), Levent Ersoz et Ilker Ozguven, ainsi que le président de la Chambre de Commerce d'Ankara, Sinan Aygün. Tous sont soupçonnés d'appartenir ou de collaborer avec « Ergenekon », une organisation dont l'objectif serait, selon les autorités, de créer un climat de terreur et de déstabilisation devant déboucher sur un coup d'Etat militaire mettant fin au gouvernement en place. L'opération de police contre « Ergenekon », a débuté il y a plus d'un an et 49 personnes ont jusque-là été incarcérées, sans que l'acte d'accusation ait été rendu public. “La dégradation du climat politique et la polarisation de la société sur fond de crise opposant l'AKP - parti islamiste au pouvoir menacé d'interdiction par la cour de cassation - aux mouvements sécularistes ou nationalistes, est particulièrement inquiétante. De même que les rumeurs de coup d‘Etat imminent. Nous craignons que la presse indépendante et critique ne soit au premier rang des victimes de cet affrontement pour le pouvoir ”, a déclaré Reporters sans frontières. “Nous appelons les autorités turques à ne pas sacrifier le respect du droit des citoyens à l'information ni celui de la loi en général, à la lutte politique” , a poursuivi l'organisation. Le journaliste Mustafa Balbay a refusé de répondre aux questions de la Section antiterroriste de la Direction de sécurité d'Istanbul, estimant qu'elle ne lui avait pas notifié les accusations portées à son encontre. Selon ses avocats, le journaliste refuse également de collaborer en raison des fuites survenues lors de l'interrogatoire d'un confrère dans le même dossier. Mustafa Balbay fait référence à l'interrogatoire de Ilhan Selçuk, propriétaire de Cumhuriyet, interpellé, le 21 mars 2008, vers 4h30 du matin, à son domicile d'Istanbul, qui avait vu ses réponses aux questions des policiers publiées dans les journaux les jours suivants.
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Updated on 20.01.2016