Le quotidien Washington Post a fait appel, le 8 mars, dans un procès l'opposant à un ancien fonctionnaire de l'ONU. Cette affaire soulève un problème de droit important pour les médias en ligne : un journaliste dont un article a été publié sur le Net peut-il être poursuivi en justice partout où ce document est téléchargeable ? Reporters sans frontières a écrit au ministre de la Justice canadien pour lui soumettre sa position sur le sujet.
Le quotidien Washington Post a fait appel, le 8 mars, dans un procès l'opposant à un ancien fonctionnaire de l'ONU. Cette affaire soulève une problème de droit important pour les médias en ligne : un journaliste dont un article a été publié sur le Net peut-il être poursuivi en justice partout où ce document est téléchargeable ? Reporters sans frontières a écrit au ministre de la Justice canadien pour lui soumettre sa position sur le sujet.
La lettre adressée à Irwin Cotler, ministre de la Justice du Canada.
"Reporters sans frontières souhaite vous soumettre sa position concernant un problème de droit de l'Internet qui est actuellement examiné, dans le cadre du procès Cheickh Bangoura vs. Washington Post, par un tribunal canadien. Nous craignons en effet que cette affaire n'ait des conséquences importantes, qui dépassent largement les frontières canadiennes, pour la liberté de la presse et la liberté d'expression sur Internet. Nous pensons par ailleurs qu'il serait utile que les autorités fédérales prennent position publiquement sur cette question, sans pour autant intervenir dans le procès.
La question à laquelle doit répondre le juge dans le cadre de cette affaire est la suivante : un journaliste dont un article a été publié sur le Net peut-il être poursuivi en justice partout où ce document est téléchargeable? Répondre par l'affirmative, comme l'a fait le tribunal ontarien en première instance, implique qu'un individu qui publie un texte en ligne pourra en répondre devant les tribunaux de n'importe quel pays. Une telle décision, si elle est confirmée en appel, pourrait dissuader de très nombreux journalistes de publier leurs articles en ligne.
Sur ce sujet, la position de Reporters sans frontières a été exprimée clairement lors de la réunion préparatoire du Sommet mondial sur la société de l'information qui s'est tenue à Genève en févier dernier. Selon nous, la compétence juridictionnelle d'un Etat, en matière civile ou pénale, s'exerce exclusivement sur les contenus hébergés sur son territoire ou s'adressant spécifiquement à ses internautes."
Rappel des faits :
Un juge de l'Ontario a accepté, le 27 janvier 2004, de juger une affaire de diffamation impliquant le site du quotidien Washington Post, une publication basée aux Etats-Unis. Le plaignant, Cheickh Bangoura, est un ancien fonctionnaire des Nations unies ayant exercé ses fonctions au Kenya en 1997. Il avait été alors accusé par le quotidien américain d'avoir commis des erreurs graves dans l'exercice de ses fonctions. Bien que de nombreuses années aient passé depuis la publication de ces articles, Cheickh Bangoura a porté plainte au Canada - où il vit depuis 2000 - estimant que l'information était toujours disponible en ligne et qu'elle pouvait donc être lue par des internautes canadiens.
Contre toute attente, le juge a estimé que le journal "aurait dû raisonnablement prévoir que cette histoire allait suivre le plaignant où qu'il réside", ajoutant qu'un éditeur de journal "ne met pas un article sur Internet s'il ne souhaite pas toucher une large audience". Il a ajouté : "Plus la cible potentielle est importante, plus ils (les éditeurs) doivent faire preuve de précaution."
Le Washington Post, soutenu par une cinquantaine de grands médias internationaux et d'organisations de journalistes, a fait appel de cette décision le 8 mars 2005.