Violences contre les journalistes en Arménie : “L’avènement d’une nouvelle ère doit aussi passer par la lutte contre l’impunité”

Au moins 16 journalistes ont été agressés en couvrant les manifestations antigouvernementales à Erevan, du 13 au 23 avril 2018. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces actes de violence et demande aux autorités de ne pas les laisser impunis.

Après onze jours de protestations de rue, l’ex-président arménien devenu premier ministre, Serge Sargsian, a finalement annoncé sa démission le 23 avril. L’issue pacifique de cette “révolution de velours” ne doit pas faire oublier que les événements n’ont pas été exempts de toute violence : au moins 16 professionnels des médias ont subi des agressions, essentiellement de la part d’agents de police, en couvrant les manifestations.


“Nous condamnons fermement l’usage injustifié de la force à l’égard de journalistes qui ne faisaient qu’exercer leur métier, déclare Johanne Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. L’avènement d’une nouvelle ère en Arménie doit aussi passer par l’abandon de ces pratiques et la lutte contre l’impunité : nous demandons aux autorités de mener des enquêtes complètes et impartiales sur chacune de ces agressions. Qu’ils soient agents de police ou non, tous les agresseurs doivent répondre de leurs actes devant la justice.”


Plusieurs journalistes ont été délibérément pris pour cibles par les forces de l’ordre alors qu’ils avaient une caméra en main. La correspondante de CivilNet.am, Alina Sargsian, a été frappée par un policier en filmant ses collègues en train d’interpeller des manifestants. Le producteur d’Azatutyun TV Anatoli Eguiazarian a lui aussi été passé à tabac par plusieurs agents de police alors qu’il filmait la dispersion d’une manifestation. Pour empêcher le tournage, des policiers ont aussi endommagé la caméra du collaborateur de Factor.am, Vrej Margarian, et jeté à terre celle de la journaliste de Radio Azatutyun, Naïra Boulgadarian.


Le reporter du site d’information CivilNet.am Tatoul Hakobian a violemment été empêché de filmer une tentative d’arrêter le principal leader du mouvement de protestation, Nikol Pachinian. La correspondante de la radio publique Liana Eguiazarian a été blessée par une grenade assourdissante dans des circonstances similaires. La journaliste Ani Kechichian (168.am) et le caméraman de Factor.am, Hovhannès Sargsian ont été blessés par des armes non-létales lors d’affrontements entre la police et les manifestants.


Les violences commises par des policiers en civil sont devenues de plus en plus fréquentes à mesure que les manifestations prenaient de l’ampleur à Erevan. Plusieurs journalistes affirment en avoir fait l’objet, dont Ani Grigorian, (CivilNet.am), Arous Hakobian (Radio Azatutyun), Tehminé Ienokian (Lragir.am) ou encore Artak Houlian (Chant TV). Le journaliste du site d’information Sut.am Tirayr Mouradian a été violemment frappé par des policiers en civil mécontents d’avoir été filmés, le 19 avril. Le lendemain, des policiers l’ont embarqué de force dans une voiture pour l’empêcher de couvrir une manifestation sur une autoroute près d’Erevan. Les agents ont ensuite reçu l’ordre de le relâcher et l’ont déposé là où ils l’avaient interpellé.


La rédactrice en chef du média en ligne Factor.am Arevik Sahakian, son caméraman Guevorg Martirossian et le correspondant de la radio publique Vrouyr Tadevossian, ont été passés à tabac par des inconnus dans différents quartiers de la capitale. Dans certains cas, des agents de police étaient présents mais n’ont fait aucun effort pour prévenir les violences.


Un groupe de manifestants a également fait irruption au siège de la radio publique, le 14 avril, pour réclamer l’antenne. La porte d’un studio a été cassée. Une enquête pénale a rapidement été ouverte et deux suspects interpellés.


L’Arménie occupe la 80e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018, établi par RSF.
Publié le
Updated on 25.04.2018