Ukraine: un deuxième journaliste en détention sur la base d’une notice rouge d’Interpol
Le journaliste d’origine azerbaïdjanaise Fikret Housseïnli, qui vit en exil aux Pays-Bas, a été arrêté ce 14 octobre à l’aéroport à Kiev sur la base d’une notice rouge d’Interpol. En moins d’un mois, il est le deuxième journaliste à subir le même sort en Ukraine. Reporters sans frontières (RSF) appelle à une réforme urgente d’Interpol trop souvent utilisée comme moyen de répression visant les critiques en exil et demande aux autorités ukrainiennes de libérer immédiatement le journaliste.
Après le journaliste ouzbèke Narzoullo Akhounjonov, arrêté le 20 septembre dernier sur la base d’une notice rouge d’Interpol émise par Tachkent, c’est au tour des autorités azerbaïdjanaises de chercher à instrumentaliser ce mécanisme pour mieux traquer ses opposants exilés. Alors qu’il s’apprêtait à quitter la capitale ukrainienne et prendre un vol à destination de Düsseldorf, Fikret Housseïnli a été arrêté à l’aéroport international de Boryspil ce 14 octobre, sur la base d’une notice rouge d’Interpol émise par Bakou qui recherchait le journaliste pour “franchissement illégal de la frontière” et “fraude”. Fikret Housseïnli vient d’être condamné à 18 jours de détention par une Cour de Kiev qui devra statuer à nouveau en appel sur son cas.
Le motif politique qui se cache derrière ces accusations semble d’autant plus évident que la notice rouge a été activée alors que le journaliste quittait Kiev et non à son arrivée. Il semblerait que les autorités azéries, dont certains représentants se trouvaient à l’aéroport au moment de l’arrestation Fikret Housseïnli, aient voulu profiter de son déplacement en Ukraine pour enclencher des poursuites à son encontre.
“L’Ukraine ne doit pas se rendre complice de la répression sans frontière que souhaitent mener des régimes tels que l’Azerbaïdjan, dénonce RSF. Nous appelons à la libération immédiate de Fikret Housseïnli qui doit faire face à des charges purement politiques. Ce nouveau cas rappelle aussi l’urgence d’engager une réforme des “notices rouges” d’Interpol pour mettre fin au plus vite à la traque des opposants en exil.”
Fikret Housseïnli a été contraint de quitter l’Azerbaïdjan en 2008 à la suite de multiples pressions. Collaborateur du journal d’opposition Azadlig, il avait été grièvement blessé après avoir été attaqué par des hommes masqués en 2006. Il avait depuis obtenu l’asile aux Pays-Bas et collabore avec la chaîne d’opposition basée à l’étranger Turan TV.
Le nombre des “notices rouges” a presque quintuplé en dix ans, passant de 2 804 en 2006 à 12 878 en 2016. Les alertes de la société civile ont fini par aboutir à une prise de conscience : depuis 2015, Interpol a notamment commencé à renforcer son mécanisme d’appel. Mais beaucoup reste à faire, aussi bien pour mettre en œuvre ces réformes que pour mieux filtrer les demandes émanant d’États répressifs. C’est ce qu’a souligné l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans une résolution d’avril 2017, appelant Interpol à “continuer d’améliorer le système des notices rouges, de façon à prévenir les abus et à y remédier plus efficacement”.
L’Azerbaïdjan occupe la 162e place sur 180 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2017. Non contentes, ces trois dernières années, d’avoir anéanti les derniers vestiges d’une presse indépendante dans le pays, les autorités azerbaïdjanaises tentent aujourd’hui d’exporter leur répression à l’étranger.