Turquie : une journaliste danoise condamnée pour “propagande terroriste », pour une photo partagée sur Facebook

Reporters sans frontières (RSF) dénonce les pressions judiciaires à l’encontre des journalistes, y compris les correspondants des médias étrangers, couvrant la situation au Kurdistan et les activités des forces kurdes en Syrie

Le 27 février, un tribunal de Konya (centre de la Turquie) a jugé la journaliste danoise d’origine kurde Sultan Çoban, reporter de la chaîne publique danoise TV2 et ancienne chroniqueuse du quotidien de Copenhague Berlingske. La justice turque lui reprochait d'avoir partagé sur Facebook, en août 2016, une photo prise à dans la ville syrienne de Manjib  par le député danois Serdal Benli. La photo, qui montrait des civils en train de fraterniser avec les combattants kurdes du YPG (“Unités de protection du peuple”), était accompagnée de la légende  : “une image  qui en dit plus que mille mots : à Manbij, l’obscurité fait place à la lumière de la liberté et aux couleurs de la vie. Merci à ces hommes et femmes si courageux qui nous font vivre cette expérience et ces moments exceptionnels #YPG #YPJ #SDF.” A cette période, les  combattants Kurdes étaient en train de libérer le nord de la Syrie occupé par Daesh.


“La condamnation de cette journaliste est un nouvel abus de la législation antiterroriste du gouvernement turc, déclare le représentant de RSF en Turquie, Erol Önderoğlu, qui assistait à l'audience. Les réformes d’Ankara ne seront crédibles que si l’indépendance de la justice est clairement assurée et que les abus judiciaires de cet ordre cessent.”


Dès la première audience, la journaliste a été condamnée à quinze mois de prison avec sursis. Le tribunal a estimé qu’elle avait tenté de “légitimer”  ces organisations kurdes “soi-disant impliquées dans des actions humanitaires”, et considérées comme terroristes par la Turquie.


La loi antiterroriste turque prévoit des peines pouvant aller jusqu’à sept ans et demi de prison pour la diffusion d’informations concernant les organisations kurdes opérant en Turquie et en Syrie. En 2019, au moins 33 journalistes ont été condamnés à des peines de prison en application de cette loi.


L’avocat de Sultan Coban avait réclamé, en vain, que le tribunal  respecte les engagements de la Turquie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), et qu’elle applique sa réforme judiciaire entrée en vigueur en  octobre 2019, qui garantit théoriquement la liberté d’expression et d’information.


Pour sa part, Sultan Coban a déclaré: “J’ai grandi au Danemark et je travaille pour des médias danois. Certains sujets assimilés au terrorisme par la Turquie relèvent dans notre pays de la liberté d’information et  d’expression. Si j’avais souhaité faire de la propagande, ma profession m’en aurait donné bien des occasions. Je n’ai aucun lien avec une quelconque organisation terroriste”.Elle devrait bientôt être autorisée à quitter la Turquie. Son avocat a néanmoins décidé de faire appel.


La Turquie occupe la 157e position sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 établi par RSF.  

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Updated on 29.02.2020