Turkménistan : élection sur fond de répression croissante contre les journalistes

L’élection présidentielle qui se tient ce dimanche 12 février 2017 au Turkménistan devrait permettre au chef de l’Etat, Gourbangouly Berdymoukhamedov, d’entamer un troisième mandat alors qu’une répression sans précédent s’abat sur les derniers journalistes indépendants.

En succédant à Saparmourad Niazov en 2007, Gourbangouly Berdymoukhamedov avait cherché à se présenter comme un réformateur attaché à moderniser son pays. Dix ans plus tard, les droits de l’homme continuent d’être bafoués au Turkménistan. Le pays occupe la 178e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF. Et les pressions contre les derniers journalistes indépendants ne cessent de s’intensifier depuis près de deux ans.


“Alors que le Turkménistan accueille les Jeux olympiques asiatiques en septembre, le monde ne peut rester plus longtemps indifférent au mépris que manifeste cet État pour ses engagements internationaux”, déclarent plusieurs organisations dont Alternative Turkmenistan News (ATN), Amnesty International, Cotton Campaign, Freedom House et Reporters sans frontières (RSF). “Les partenaires d’Achkhabat doivent faire pression sur le gouvernement pour qu’il mène de sérieuses réformes dans le domaine des droits de l’homme et garantisse le droit à la liberté d’expression.”


Alors que la campagne électorale est censée battre son plein, aucune critique à l’adresse du “Père protecteur” (Arkadag) n’est audible dans les médias. Ce qui n’est pas une surprise : tous sont contrôlés par l’Etat. Contraints à la clandestinité, les correspondants des médias indépendants basés à l’étranger, tels que Radio Azatlyk, Alternative Turkmenistan News, Chroniques du Turkménistan, Gündogar et Ferghana, risquent la prison et la torture. Ces ressources restent inaccessibles à la plupart des Turkmènes, cantonnés à un Internet national soigneusement expurgé. Le gouvernement poursuit par ailleurs sa campagne d’éradication des antennes paraboliques, privant la population d’une de ses dernières possibilités d’accéder à une information non contrôlée.


Confrontées à des difficultés économiques et des inconnues sécuritaires croissantes, les autorités se sont lancées dans une nouvelle escalade répressive. Plus de deux mois après son arrestation, on est toujours sans nouvelles de Khoudaïberdy Allachov, correspondant de Radio Azatlyk arrêté le 3 décembre 2016 sur l’accusation arbitraire de posséder une quantité importante de tabac à chiquer, un crime au Turkménistan.


Son collègue Saparmamed Nepeskouliev, collaborateur d’ATN et de Radio Azatlyk, croupit en prison depuis un an et demi. Arrêté en juillet 2015, il a été condamné à trois ans de prison dans une affaire montée de toutes pièce de détention de drogues. Son emprisonnement, prononcé au terme d’un procès mené à huis clos et sans avocat, a été qualifié d’arbitraire par le Groupe de travail spécialisé des Nations-Unies. Les organisations signataires appellent de nouveau les autorités turkmènes à lever les charges pesant contre Khoudaïberdy Allachov et Saparmamed Nepeskouliev, et à les remettre en liberté sans délai.


La journaliste Soltan Achilova a été victime de trois agressions successives en novembre 2016. Le même mois, Rovchen Yazmouhamedov a été menacé de voir commuer en prison ferme la peine de prison avec sursis dont il avait écopé en 2013. Sous pression, de nombreux contributeurs de Radio Azatlyk ont été contraints de mettre fin à leurs activités journalistiques depuis deux ans.


L’élection présidentielle du 12 février oppose Gourbangouly Berdymoukhamedov à huit candidats qui se gardent de toute attaque contre le régime et n’hésitent pas à louer l’action du chef de l’État. Des amendements constitutionnels adoptés en septembre 2016 ont porté le mandat présidentiel de cinq à sept ans et supprimé la barrière d’âge de 70 ans. En 2012, le président Berdymoukhamedov avait officiellement été réélu avec plus de 97% des voix.


Signataires de cet appel:

  • Alternative Turkmenistan News (ATN)
  • Amnesty International
  • Cotton Campaign
  • Freedom House
  • Reporters sans frontières (RSF)
Publié le
Updated on 10.02.2017