Série d'exactions contre les journalistes dans la province de 'Amran

Reporters sans frontières est vivement préoccupée par le chaos sécuritaire qui règne au Yémen, faisant des journalistes une proie facile pour les milices armées et les forces de l’ordre. La crise politique et confessionnelle au nord-ouest du Yémen, qui oppose l’armée et la rébellion houthie, menace la sécurité des reporters sur le terrain.

Alors que le dialogue national, conclu en janvier 2014, avait permis de tracer les grandes lignes d’un futur Etat fédéral yéménite, des affrontements entre les rebelles houthis et l’armée au nord du pays se multiplient depuis février, faisant des centaines de morts et des milliers de déplacés. En juillet 2014, lors des combats pour le contrôle de la province de ‘Amran, de nombreuses violations de la liberté de l’information (agressions, enlèvements, surveillance, menaces) ont été commises par par les rebelles houthis, selon des observations du Syndicat des journalistes yéménites et de la Freedom Foundation. “Nous condamnons fermement cette récente série d’exactions commises par les rebelles houthis, en rappelant que depuis le début de l’année, les journalistes sont également la cible d’actes de violence de la part des forces de sécurité et de groupes armés non identifiés a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Les autorités yéménites doivent déployer tous les moyens nécessaires pour garantir la sécurité des professionnels des médias sur l’ensemble du territoire et sanctionner les auteurs des exactions. Les médias et les professionnels de l’information, de leur côté, doivent faire preuve d’indépendance et de professionnalisme en n’alimentant pas les tensions et différends politiques”. Dernier épisode en date, le 31 juillet 2014 dans la matinée, le journaliste de Mareb Press Youssef Hazb et le reporter Youssef Qamhi étaient enlevés par des membres de la branche armée de la rébellion houthie, à leur sortie du village de Al Warak, dans le district d’Iyal Surayh, alors qu’ils effectuaient un reportage sur les conséquences des combats. Retenus pendant quatre jours dans un stade, ils ont été accusés de travailler pour la chaîne Suhail TV, média du parti islamiste sunnite Al-Islah, principal rival des insurgés houthis. D’après les informations de RSF, les journalistes ont subi des menaces avant d’être libérés grâce à la pression exercée par les médias et leurs proches. Leur matériel professionnel, ainsi que leurs cartes mémoires, ont été confisqués. La série noire a débuté le 6 juillet lorsque des éléments armés de la rébellion houthie ont pris d’assaut la maison du journaliste et militant Yahya Al-Thalaya dans la ville de ‘Amran, un jour avant que la province ne tombe entre les mains des insurgés. Recherché en raison de son opposition aux rebelles, il avait déjà pris la fuite avec sa famille. Le journaliste a expliqué à la Freedom Foundation que cette attaque était la conséquence de sa couverture des événements dans la province, notamment en raison d’une interview qu’il avait accordée sur Yemen TV dans laquelle il évoquait la situation humanitaire. Le 11 juillet, Hadi Al-Chami et Walid Al-Omri, respectivement directeur de l’édition et membre du comité de rédaction de l’agence de presse Khabar Agency, étaient interpellés par des Houthis. A noter que Khabar Agency est un média du Congrès général du peuple, l’ancien parti au pouvoir. D’après le Syndicat des journalistes, les deux hommes auraient été retenus pendant quelques heures, avant d’être libérés. Leurs téléphones et caméra ont cependant été confisqués. Le 23 juillet, le journaliste Abdel Wahab Al-Achabi a échappé à une tentative d’enlèvement de la part de la rébellion houthie. La veille, son domicile avait été perquisitionné et sa famille menacée. D’après le Syndicat des journalistes, Abdel Wahab Al-Achabi avait déjà été interrogé par les Houthis sur d’autres journalistes de l’opposition. Les Houthis Dans un pays majoritairement sunnite, les Houthis sont issus du zaïdisme chiite et tiennent leur nom de leur dirigeant, Abd Al-Malik Al-Houthi. Ils sont implantés dans le nord-ouest du Yémen. Se sentant marginalisée sur les plans politique, social et religieux, la rébellion houthie reçoit le soutien de l’Iran. Elle entend réinstaurer l'imamat zaïdite du Yémen et rétablir le statut d’autonomie dont les Houthis bénéficiaient avant 1962. En juin 2004 commençait la “Guerre de Saada”, à la frontière avec l’Arabie saoudite. L’armée nationale était alors appuyée par son voisin saoudien. Mouvement politique et organisation insurrectionnelle, la rébellion houthie, grâce à sa branche armée les “Ansar Allah” (les Partisans d’Allah), est parvenue à contrôler un important territoire dans le nord du pays. Elle est en conflit avec la puissante tribu des Al-Ahmar (et la confédération tribale des Hached) et son parti Al-Islah, notamment pour le contrôle de la région d’Amran. Un cessez-le-feu a été signé en février 2010.
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Updated on 20.01.2016