Sergueï Lavrov critique RSF pour son travail sur la fiabilité de l’information

Reporters sans frontières (RSF) déplore les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères contre la Journalism Trust Initiative (JTI), au moment où la défense de l’information fiable, c’est-à-dire libre, indépendante et rigoureuse est un enjeu majeur pour les modèles démocratiques et les êtres humains en général.

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Lors d’une visite à Paris le 27 novembre, le ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergueï Lavrov, a critiqué la Journalism Trust Initiative (JTI) lancée par Reporters sans frontières (RSF). Au cours de sa conférence de presse commune avec son homologue français Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie russe a déclaré : “Nous sommes préoccupés par certaines initiatives lancées en Occident et en Europe, comme celle lancée par l’organisation très connue RSF, consistant à travailler sur des indicateurs de fiabilité et établir des listes blanches de médias”. Évoquant sans doute d’autres initiatives, Sergueï Lavrov a ajouté : “Le fait que des gouvernements en Europe commencent à soutenir cela nous amène à la pensée désagréable que nous parlons de formes diverses de censure politique. Nous ne voudrions pas voir des tentatives de modérer les contenus informationnels internationaux sur la base de critères politiques unilatéraux.


Lancée par RSF en avril 2018 avec l'Agence France-Presse (AFP), l'Union européenne de radio-télévision (UER) et le Global Editors Network (GEN), la Journalism Trust Initiative est un projet de dispositif d’autorégulation qui vise à créer des incitations positives pour les médias les plus proches des idéaux du journalisme, sans considération de statut. Elle consiste dans un premier temps à créer un référentiel pour le journalisme sous la forme d’indicateurs sur la transparence des médias, l’indépendance éditoriale, la mise en oeuvre de méthodes journalistiques et le respect des règles déontologiques. Ces normes (ou “standards”) sont en voie d’établissement dans le cadre d’un processus concerté sous l’égide du Comité européen de normalisation (CEN). RSF et ses partenaires demandent aux plateformes et aux annonceurs notamment, d’accorder des avantages en termes d’indexation algorithmique et de fléchage des dépenses publicitaires.


Les critiques absolument infondées de Sergueï Lavrov à l’égard de l’initiative lancée par RSF traduisent une forme de défiance vis-à-vis d’un journalisme indépendant, rigoureux et respectueux de l’éthique, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Rappelons que la Journalism Trust Initiative vise à créer un mécanisme de tiers de confiance, dans lequel ni les Etats, ni les plateformes, ni naturellement RSF et ses partenaires, ne seront amenés à distinguer certains médias des autres. Notre projet est fondé sur des idéaux de transparence, d’indépendance, de mise en oeuvre de méthodes de vérification et de respect des principes déontologiques de la profession, par des mécanismes transparents et non discrétionnaires. Cela n’a aucun sens de parler d’orientation politique.


Après l’adoption à l’unanimité d’un plan de travail le 23 mai dernier, près de 70 organisations se sont réunies les 4 et 5 octobre à Paris pour travailler sur le contenu du projet. Parmi les structures engagées dans le processus, des groupes de médias radio télévisés (Radio télévision Suisse, RTL Group, la télévision publique allemande ARD, Radio Canada, BBC, France Télévision, TV5 Monde), des médias comme Gazeta Wyborzca, Der Tagesspiegel, des agences de presse (AFP, EFE, DPA, TT News), mais aussi des organes de régulation (CSA, AGCOM), des ONG de défense de la liberté de l’information et du journalisme (Article 19, International Press Institute, Free Press Unlimited, Internews), des conseils de presse (suisse notamment), des représentants des intérêts des consommateurs (ANEC), des fondations (Guardian, Thomson, etc.) et des experts du numérique comme Jeff Jarvis, professeur à l’école de journalisme Craig Newmark à New York ou encore Scott Yates de Certified Content Coalition (CableLabs). Des médias russes ont également souhaité participer à l’initiative.


Trois comités d’établissement du référentiel, intitulés “drafting groups”, travaillent sur l’établissement du référentiel. Ils sont composés exclusivement de parties prenantes liées au journalisme. Un groupe d’experts en nouvelles technologies, la Technical Task Force, est en charge de proposer des solutions pour l’implémentation concrète de ces différents critères. Facebook participe également à l’initiative. Le Stakeholders group est composé de toutes les autres parties prenantes, notamment les plateformes et les annonceurs.

Publié le
Mise à jour le 29.11.2018