Sanctions en série contre la presse par le Conseil national de la communication

Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète des intimidations du Conseil national de la communication contre la presse camerounaise, après l’annonce de 22 sanctions contre des médias, dont la suspensions définitive de deux journaux et l’interdiction à vie pour leur directeur de publication d’exercer le journalisme.

Dans un communiqué rendu public le 6 décembre 2016 par voie de presse, le Conseil national de la communication (CNC), l’organe de régulation des médias, a annoncé la suspension de 18 journaux et d’une émission de radio, ainsi que de 27 directeurs de publication et journalistes pour des durées allant en général de un à six mois. Un signal fort envoyé aux médias alors que le pays connaît de fortes tensions sociales. Plusieurs personnes ont perdu la vie dans des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre dans la partie anglophone du Cameroun.


Les sanctions sont souvent motivées de la même manière : “publication d’accusations non fondées, offensantes et insinuantes”, en d’autres termes, diffamation. Les décisions les plus lourdes affectent les journaux L’Aurore, L’Aurore Plus et Dépêche du Cameroun qui ont été définitivement suspendus.


Après plusieurs mois de déboires judiciaires, Michel Mouchault Moussala, directeur de publication de L’Aurore et de L’Aurore Plus, a également écopé d’une interdiction définitive d’exercer le journalisme au Cameroun, après plus de 35 années de carrière.


Le directeur de publication de la Dépêche du Cameroun a écopé de sanctions similaires. Mais Gilbert Avang refuse de se laisser intimider : “J’ai appris que mon journal et moi-même avions été suspendus en lisant la presse. Ni moi ni mes avocats n’avons reçu de notification officielle. Tant que nous n’aurons pas reçu de notification officielle de cette décision, nous continuerons de publier.”


“Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de cette série de décisions particulièrement sévères et manquant de transparence, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable Afrique de RSF. Toutes les mesures, à quelques exceptions près, sont prononcées à l’encontre de journaux d’opposition et en faveur de personnalités de la haute administration publique ou de sphères d’intérêts liées au pouvoir. Nous demandons au CNC d’adopter des méthodes de fonctionnement plus transparentes ce qui permettra de légitimer ses mesures aux yeux de l’opinion.”


En 2013, RSF avait déjà dénoncé l’opacité des décisions et les pratiques équivoques du CNC pour forcer les journalistes camerounais au silence.


Rappelons que trois journalistes, Ahmed Abba, Rodrigue Tongue, Felix Cyriaque Ebolé-Bola, et un professeur en journalisme, Baba Wame, sont actuellement poursuivis devant des tribunaux militaires selon la loi anti-terroriste pour “non dénonciation”, une accusation et des dossiers vides qui ont pour principal effet d’entraver le libre exercice de la presse dans le pays.


Le Cameroun est classé 126ème sur 180 pays au Classement 2016 de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Mise à jour le 09.12.2016