RSF renforce son alliance avec son partenaire au Tadjikistan
Reporters sans frontières (RSF) renforce sa coopération avec l’Association nationale des médias indépendants du Tadjikistan (Nansmit) pour soutenir les journalistes, au vu des récents évènements très inquiétants pour la liberté de l’information au Tadjikistan.
Le 2 novembre 2016, le président Emomali Rahmon a signé une loi permettant d’engager des poursuites au pénal pour “offense ou diffamation envers l’Initiateur de la paix et de l’unité nationale, leader de la nation”, titre que récemment décerné le président Emomali Rahmon et qui le place constitutionnellement au-dessus de tout autre citoyen. Désormais, toute atteinte à l’honneur du leader pourra être punie par une peine allant jusqu’à cinq ans de prison.
Au même moment, deux des derniers médias indépendants du pays ont soudainement fermé depuis le début du mois. Nigokh, un hebdomadaire traitant des tendances sociales et politiques du pays, a cessé ses activités. Durant ses 10 années de parution, le journal s’était imposé comme une source d’information alternative populaire sur le Tadjikistan. Les pressions ayant entraîné l’arrêt de la publication ont pris leur origine dans une coquille au mot « président », prouvant dans quelle mesure la nouvelle loi peut être appliquée. Deux semaines plus tard, l’agence de presse Tojnews mettait à son tour la clef sous la porte, sans communiquer de raison officielle. Ces derniers mois, RSF a cependant recensé plusieurs cas de menaces, harcèlement et intimidation, notamment judiciaire contre les journalistes indépendants du pays.
Le 11 novembre 2016, a également été lancé le « Centre de commutation unique », une infrastructure qui doit centraliser toutes les communications téléphoniques et internet dans le but de faciliter les écoutes et la surveillance des messageries sous couvert de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Ces mesures confèrent au pouvoir exécutif un contrôle total sur les échanges à l’intérieur du pays, sans aucune garantie sur l’utilisation qui en sera faite.
Le 25 novembre, enfin, les accréditations de six journalistes du service tadjik de Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL) ont été annulées par le ministère des Affaires étrangères. Ce dernier a refusé de justifier publiquement cette décision, mais il a communiqué par téléphone à RFE/RL que ces suspensions avaient été entraînées par son refus de supprimer de son site internet un article sur la nomination de la fille du président de la République, Rukhshona Rakhmonova, à un poste haut placé au ministère des Affaires étrangères.
“La situation au Tadjikistan ne cesse de se dégrader depuis près de deux ans, nous sommes inquiets de cette évolution rapide : RSF craint que le pays ne devienne une nouvelle zone de non droit pour les journaliste dans la région, déclare Lucie Morillon, directrice des programmes à RSF. La politique menée par le président Rahmon nous semble extrêmement dangereuse pour la paix et la stabilité nationale : le gouvernement cherche à avoir une mainmise totale sur les informations diffusées, tandis que la situation sociale et économique ne cesse d’empirer. Toutes ces raisons nous incitent à nous rapprocher davantage de notre partenaire de longue date, Nansmit.”
Ces évènements s’inscrivent dans le sillage d’une dégradation continue de la liberté de l’information. Récemment, en août 2016, le gouvernement de la République du Tadjikistan a publié un décret sur les programmes télévisés et radiodiffusés qui renforce la censure d’Etat sur “toute la sphère d’information du pays”, notamment dans le but de “rehausser l’image médiatique du Tadjikistan dans l’arène mondiale” et de protéger le pays contre les “attaques médiatiques”. Télévision et radio sont définis dans cet édit comme des “instruments de propagande idéologique” par le biais desquels sont menées des “guerres de l’information”, “luttes verbales” et “frappes psychologiques”.
A la 150e position sur 180, le Tadjikistan a perdu 34 places au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse, la chute la plus spectaculaire enregistrée cette année. Les pressions sur les journalistes et les blocages de sites internet ont rythmé la vie des médias libres du pays, notamment depuis les élections législatives de 2015 et l’interdiction du principal parti d’opposition, le Parti de la Renaissance islamique.