RSF à la CEDH : “Tous les espoirs des journalistes turcs emprisonnés reposent sur vous !”

Ce 29 mai 2017, des militants de Reporters sans frontières (RSF) et l’artiste C215 ont réalisé les portraits en pochoirs de journalistes turcs emprisonnés et déployé une banderole #SaveTurkishJournalists devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), à Strasbourg. Une façon d’appeler la Cour à intervenir au plus vite pour mettre un terme au calvaire des journalistes incarcérés en Turquie.

Türkçe / Lire en turc


#SaveTurkishJournalists : c’est le slogan martelé ce 29 mai par des militants de RSF devant le siège de la CEDH à Strasbourg. Le célèbre artiste de rue Christian Guémy, alias C215, a peint au pied de l’institution le portrait de dix journalistes emprisonnés en Turquie : Murat Aksoy, Şahin Alpay, Ahmet Altan, Kadri Gürsel, Nazlı Ilıcak, Musa Kart, İnan Kızılkaya, Tunca Öğreten, Ayşenur Parıldak et Ahmet Şık. Cela fait entre cinq et dix mois qu’ils sont incarcérés. Deux d'entre eux ont plus de 70 ans.


La Turquie est membre à part entière du Conseil de l’Europe, dont dépend la CEDH. Face à la politisation de la justice turque, les journalistes emprisonnés se tournent désormais vers la Cour européenne.


"Des dizaines de professionnels des médias, dont certains des plus grands noms du journalisme turc, croupissent en prison depuis de longs mois pour avoir voulu faire leur métier, explique Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Leurs droits sont piétinés par les politiques liberticides du président Erdoğan et les dispositions abusives de l’état d’urgence. Face à ce déni de justice, tous leurs espoirs reposent sur la CEDH.”


“Nous appelons respectueusement les juges à examiner au plus vite le cas de ces journalistes, déclare Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie. Il y a urgence : c’est une tragédie que vivent les détenus et leurs familles, financièrement et psychologiquement atteintes.”


La CEDH, dernier recours


Avec une centaine de journalistes derrière les barreaux, la Turquie est la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias. La grande majorité des journalistes emprisonnés ont été arrêtés sous l’état d’urgence consécutif à la tentative de putsch de juillet 2016. Ils sont en détention provisoire, sans avoir encore été condamnés.


Le recours à la détention provisoire est censé être exceptionnel, dûment justifié par des circonstances et risques précis. Mais la justice turque en fait un usage systématique et abusif, qui s’apparente à une forme de punition et de revanche politique. Les recours légaux contre la détention des journalistes sont rejetés par principe et sans examen sérieux.


Depuis près d’un an, l’état d’urgence et la purge massive de la magistrature portent la politisation et le manque d’indépendance de la justice turque à son paroxysme. La Cour constitutionnelle, qui jouait un rôle essentiel pour tenter de faire respecter la liberté d’expression, est désormais paralysée : saisie de nombreux cas de journalistes emprisonnés, elle n’a encore rendu aucune décision.


L’absence de tout recours effectif dans le pays pousse de plus en plus d’avocats de journalistes emprisonnés à saisir directement la CEDH, dont les décisions sont contraignantes pour les autorités turques. La Cour a annoncé examiner une quinzaine de cas en priorité, dont dernièrement celui de Deniz Yücel, mais aucune décision n’a encore été rendue. Chaque cas doit d’abord être déclaré recevable avant d’être tranché sur le fond.


Trois jours de mobilisation en faveur des journalistes emprisonnés en Turquie


Ce rassemblement clôt un week-end de mobilisation de RSF et C215 en faveur des journalistes emprisonnés en Turquie. Le célèbre artiste de rue C215 a répliqué les dix portraits à travers tout Paris, sur du mobilier urbain. Plus de 500 pochoirs #SaveTurkishJournalists ont été distribués dans la capitale, permettant à chacun de manifester sa solidarité et son soutien aux journalistes emprisonnés en Turquie. Les photos sont partagées sur Twitter avec le mot-clé #SaveTurkishJournalists.


La Turquie occupe la 155e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse, établi par RSF en 2017. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : le pays s’enfonce dans une spirale répressive sans précédent. Près de 150 médias ont été fermés d’un trait de plume, réduisant le pluralisme à une poignée de journaux à faible tirage. Les journalistes restés en liberté sont tout aussi exposés à l’arbitraire : procès en cascade, retrait de carte de presse, annulation de passeport, confiscation de biens… La censure d’Internet et des réseaux sociaux atteint des niveaux inédits.



Publié le
Updated on 30.05.2017