RSF déplore la reprise d’une procédure judiciaire contre un journaliste hongrois
András Dezső, journaliste pour le site d’information hongrois Index, doit affronter une procédure judiciaire sans fondement depuis déjà deux ans. Il risque trois ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) demande plus de transparence dans cette affaire et appelle à la tenue d’un procès équitable.
L’histoire commence en mars 2018, avec la publication d’un article sur Index, l’un des rares sites d’information indépendants hongrois. Le journaliste d’investigation András Dezső y rapporte des propos polémiques de l’activiste suédo-hongroise Natalie Contessa af Sandeberg. Interviewée par la chaîne de télévision publique M1 - connue pour ses positions anti-migrants -, elle avait tenu un discours très négatif concernant l’impact des nouveaux migrants sur la société suédoise.
András Dezső décide alors d’enquêter sur cette femme. En consultant des documents officiels accessibles à tous, il découvre qu’en Suède, elle a été condamnée à sept reprises pour diffamation, harcèlement et “atteinte à la confiance du public”, et a dû payer de fortes amendes. Le journaliste constate aussi qu’elle avait menti sur ses conditions de vie en Hongrie et en Suède.
L’article d’Index ne cite pas le nom de Mme Contessa af Sandberg, mais le site reprend la vidéo de l’interview, où elle est facilement identifiable. Elle décide alors d’attaquer András Dezső en justice pour « utilisation abusive de ses données personnelles ».
Le journalistes est poursuivi en vertu de la loi européenne sur le règlement général de la protection des données (RGPD). Il existe des précédents en Hongrie où des tribunaux ont déjà détourné cette loi européenne pour censurer des journalistes. Récemment, l’édition hongroise du magazine Forbes avait été retiré des kiosques à la demande des propriétaires de la société hongroise de boisson énergisante Hell Energy, car le nom d’un des propriétaires apparaissait dans un article, sans sa permission.
Dans un premier temps, un juge déclare András Dezső coupable au terme d’une procédure sans procès, et lui envoie un simple rappel à la loi. Parallèlement, des médias proches du pouvoir et des activistes d’extrême droite l’accusent avec virulence d’avoir propagé des fausses nouvelles sur Natalie Contessa af Sandeberg.
András Dezső décide de contre-attaquer et demande que l’affaire fasse l’objet d’un procès. En avril 2019, il obtient gain de cause : un tribunal déclare qu’il n’est coupable d’aucun “crime”. Mais le 6 février 2020, le bureau du procureur de Budapest fait appel de cette décision, en invoquant un vice de procédure : le tribunal n’avait pas tenu d’audience préliminaire. L’affaire est donc relancée.
“Un pays membre de l’UE ne peut accepter qu’un journaliste expérimenté soit poursuivi pour avoir exercé son activité de façon normale, en reprenant simplement des informations publiques” rappelle Pauline Adès-Mével, rédactrice-en-chef de RSF. Une justice équitable permettant le pluralisme des points de vue est une exigence démocratique. RSF demande qu’un véritable procès ait enfin lieu, afin qu’András Dezső soit déclaré innocent.”
Fin 2019, le journaliste avait déjà été victime d’attaques répétées de la part des médias pro-gouvernementaux dans une autre affaire, et d’une campagne de diffamation à caractère antisémite.
La Hongrie occupe aujourd’hui la 87ème place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.