RSF demande aux députés de rejeter un nouvel amendement à la loi de 1881 sur la liberté de la presse

Un amendement sénatorial à la proposition de loi portant réforme de la prescription pénale, qui sera examinée jeudi 12 janvier à l’Assemblée nationale, vise à allonger la prescription pour les infractions de presse en ligne. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une nouvelle tentative de revenir sur les garanties procédurales au libre exercice du journalisme qu’apporte la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

A l’occasion de l’examen au Sénat de la proposition de loi portant réforme de la prescription pénale, le sénateur François Pillet (LR) a déposé un amendement à la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui, s’il était adopté, prévoirait que « lorsque les infractions auront été commises par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d’une publication diffusée sur support papier, l’action publique et l’action civile se prescriront par une année révolue, selon les mêmes modalités ». En d’autres termes, le délai de prescription pour les infractions à la loi sur la presse passerait de trois mois à un an pour les publications en ligne - sauf s’il s’agit de la reproduction sur internet d’un article papier.


Cet allongement de neuf mois du délai de prescription des infractions de presse en ligne constitue une discrimination injustifiée entre presse papier et presse internet, en plus d’une atteinte grave aux garanties procédurales de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Reporters sans frontières (RSF) appelle les députés, qui auront à examiner la proposition de loi en deuxième lecture à l’Assemblée jeudi 12 janvier, à rejeter cet amendement.


La loi sur la liberté de la presse de 1881 prévoit en effet aujourd’hui qu’une personne qui s’estime lésée par une publication dispose de trois mois pour saisir la justice à partir de la publication d’un article. Cette prescription - que le législateur avait à dessein encadré dans un délai très court - favorise le libre exercice de la liberté d’expression et du journalisme, plutôt que la poursuite de ses abus.


C’est la logique inverse qui est aujourd’hui privilégiée, celle de la répression, au détriment de la protection des libertés, en particulier en ce qui concerne l’expression sur internet. Un amendement similaire avait été déposé en octobre 2016 à l’occasion de l’examen du projet de loi Egalité et citoyenneté, et heureusement rejeté par les députés, comme RSF les y avaient appelés. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs déjà eu l’occasion, dans une décision du 10 juin 2004, de déclarer contraire à la Constitution une disposition qui prévoyait un régime de prescription différent selon le support de diffusion.


Ces tentatives répétées de revenir sur les grands équilibres d’une des lois fondamentales de la République, dénoncées par l’ensemble de la profession, et qui se déroulent en dehors de toute concertation avec la profession, de toute étude d’impact, sont le signe d’une défiance de plus en plus grande envers l’expression en ligne. RSF dénonce avec force cette dérive et appelle l’Assemblée nationale à rejeter l’amendement proposé.

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Updated on 11.01.2017