RSF appelle à la mobilisation pour la libération de Khadija Ismaïlova en Azerbaïdjan
Figure de proue de la liberté de la presse en Azerbaïdjan, la journaliste d’investigation Khadija Ismaïlova est emprisonnée depuis le 5 décembre 2014. Reporters sans frontières lance une pétition pour exiger sa libération immédiate et l’abandon des charges absurdes qui pèsent contre elle.
Signez la pétition
C’est un symbole fort du journalisme indépendant qui est désormais derrière les barreaux. Depuis le 5 décembre, Khadija Ismaïlova, journaliste azerbaïdjanaise maintes récompensée pour son travail, a rejoint la cohorte des 100 prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Son arrestation, elle la pressentait. Et pourtant, malgré le harcèlement croissant dont elle fait l’objet depuis des années, rien n’aurait pu convaincre Khadija Ismaïlova de quitter le pays pour lequel elle lutte depuis des années avec un courage et une obstination rares.Libérez Khadija Ismaïlova !Pétition
Cette ancienne chef du bureau de Bakou du service azerbaïdjanais de Radio Free Europe / Radio Liberty (banni des ondes depuis 2009), qui collabore avec de nombreux médias, s’est spécialisée sur l’un des sujets les plus tabous : la mainmise du tout-puissant clan présidentiel sur les activités économiques les plus lucratives du pays, les conflits d’intérêt et la corruption au plus haut niveau de l’Etat. La veille de son arrestation, le chef de l’administration présidentielle, Ramiz Mehdiev, s’en était pris nommément à elle dans un discours d’une grande violence contre les “tentatives de déstabilisation” étrangères et la “cinquième colonne” azerbaïdjanaise.
Poursuivant son entreprise d’anéantissement du pluralisme, le régime d’Ilham Aliev a donc placé la journaliste en détention provisoire pour au moins deux mois, l’accusant d’avoir “incité au suicide” un ancien collaborateur. Une charge absurde pour cette militante des droits de l’homme, déjà poursuivie pour espionnage et diffamation. Khadija Ismaïlova se retrouve en prison avec neuf autres journalistes et au moins cinq blogueurs, incarcérés pour leurs activités d’information. Reporters sans frontières demande leur libération immédiate et inconditionnelle.
“En incarcérant une journaliste aussi réputée dans le monde entier que Khadija Ismaïlova, les autorités de Bakou adressent une gifle monumentale à tous ceux qui croient à la liberté de l’information et aux droits de l’homme, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Après avoir orchestré une répression sans précédent alors qu’il présidait le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, le régime d’Ilham Aliev exprime de manière on ne peut plus claire son sentiment d’impunité totale. Il est grand temps de lui donner tort.”
Inflexible face à la menace
En 2011, Khadija Ismaïlova révélait qu’à travers des sociétés-écrans enregistrées au Panama, les deux filles du président possèdaient des parts dans la florissante société de télécommunications Azercell, titulaire du monopole sur la 3G en Azerbaïdjan malgré une entrée sur le marché douteuse. L’année suivante, avec sa collègue Nushabe Fatullayeva, la journaliste démontrait qu’elles étaient aussi actionnaires, dans les mêmes conditions, d’une mine d’or et d’argent récemment ouverte à Tchovdar. L’installation, dont l’impact sur l’environnement était hasardeux, avait racheté des terres à vil prix et détruit des infrastructures locales.
Khadija Ismaïlova était alors victime d’une tentative de chantage à base de sextape. Loin de céder, elle avait dénoncé ces agissements et republié ses investigations sur la famille présidentielle. La vidéo avait été mise en ligne et la journaliste avait fait l’objet d’une violente campagne de calomnie dans la presse officielle, qui avait rebondi l’année suivante avec la publication d’une seconde vidéo. Mais loin de se décourager, elle a contribué en 2013 à une enquête du consortium international ICIJ qui révélait que la famille présidentielle possédait des parts de sociétés basées dans les îles Vierges britanniques, bénéficiaires de juteux contrats dans le secteur de la construction à Bakou.
A mesure que s’est intensifiée la dérive répressive des autorités azerbaïdjanaises, la pression s’est accentuée sur Khadija Ismaïlova. Accusée d’espionnage, poursuivie en diffamation, condamnée pour manifestation non autorisée, interpellée à l’aéroport, elle s’est finalement vue interdire de quitter le territoire en octobre 2014. Il faut dire que les activités de la journaliste ont pris une autre dimension. Suite à l’arrestation de la plupart des défenseurs des droits de l’homme, elle a progressivement rempli une partie de l’espace resté libre : elle a ainsi contribué à l’établissement d’une liste de prisonniers politiques, tenté d’organiser soutien juridique et assistance aux familles, alerté inlassablement la communauté internationale sur la course aux abîmes de son pays en matière de respect des droits de l’homme…
Avant même le pic de répression de l’année 2014, l’Azerbaïdjan pointait à la 160e place sur 180 dans le dernier Classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières.
Aidez-nous à libérer Khadija Ismaïlova en signant la pétition
Photo: Azadliq Radiosu (RFE/RL)