RSF appelle Kiev à renoncer au blocage de réseaux sociaux et de médias russes

Un décret présidentiel du 15 mai 2017 ordonne le blocage de réseaux sociaux et de médias russes. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une mesure disproportionnée qui porte gravement atteinte au droit à l’information et à la liberté d’expression des citoyens ukrainiens.

Le président ukrainien Petro Porochenko a signé le 15 mai un décret ordonnant le blocage immédiat des réseaux sociaux russes de référence Vkontakte et Odnoklassniki, du service de messagerie Mail.ru, ainsi que du moteur de recherche Yandex. Au moins 19 médias russes et 13 journalistes font également partie de la liste des 1 228 individus et 468 compagnies russes visés par de nouvelles sanctions. Parmi eux figurent une majorité de médias officiels ou favorables au Kremlin, mais aussi quelques chaînes indépendantes comme RBC. Les principaux opérateurs ukrainiens ont commencé à mettre en place le blocage.


Nous avons conscience des vastes défis sécuritaires auxquels doivent faire face les autorités ukrainiennes, mais ils ne justifient en rien une telle censure, estime le responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF, Johann Bihr. Le blocage de réseaux sociaux, de services de messagerie et de médias entiers n’est ni proportionné ni justifié au regard des objectifs affichés. Avec ce décret, Petro Porochenko porte gravement atteinte au droit à l’information et à la liberté d’expression des citoyens ukrainiens, et s’éloigne de ses obligations internationales.


Garantie par la Convention européenne des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l’Ukraine est un Etat partie, la liberté d’expression est un droit qui ne peut être limité qu’exceptionnellement par des restrictions légales, légitimes et nécessaires dans une société démocratique.


Les réseaux sociaux Vkontakte et Odnoklassniki figurent dans le top 10 des sites les plus consultés en Ukraine, aux côtés de Mail.ru et Yandex, avec respectivement 12 millions et 5 millions d’utilisateurs. RSF dénonce régulièrement les dérives de la “guerre d’information” dans laquelle sont engagées l'Ukraine et la Russie. En janvier 2017, le Conseil national de l’audiovisuel ukrainien avait déjà interdit la retransmission de la chaîne indépendante russe Dojd.


Kiev a justifié le blocage des sites russes par la nécessité de protéger les données personnelles des internautes ukrainiens. Si la réalité du dispositif de surveillance généralisée du FSB est bien documentée, RSF rappelle que l’Etat n’est pas propriétaire de ces données personnelles et que leur protection ne saurait justifier l’éclatement d’Internet en différents segments nationaux. C’est au prétexte d’échapper à la surveillance américaine que Moscou a rendu obligatoire, en 2014, le traitement des données personnelles des citoyens russes sur des serveurs localisés en Russie - parachevant ainsi son propre mécanisme de surveillance.


Malgré l’introduction ces dernières années de réformes en faveur de la transparence de la propriété des médias, de l’indépendance de l’audiovisuel public ou de l’accès à l’information, l’emprise continue des oligarques sur le secteur médiatique et la “guerre de l’information” avec la Russie placent l’Ukraine à la 102e place du Classement mondial de la liberté de la presse en 2017. Les zones sous contrôle des séparatistes dans l’est du pays, quant à elles, sont des zones de non-droit, inaccessibles aux journalistes indépendants et étrangers. Purgée de ses journalistes et médias critiques de l’annexion russe, la Crimée est en passe de devenir un “trou noir de l’information”.

Publié le
Mise à jour le 23.05.2017