Revirement en Pologne : sous la pression, un tribunal recule et renonce à censurer un média
Face au tollé provoqué par l’interdiction faite à un média d’écrire des articles sur une entreprise soupçonnée d’irrégularités, un tribunal polonais a fait machine arrière et a autorisé le journal à publier ses enquêtes. Reporters sans frontières (RSF) se félicite que la mobilisation d’une trentaine d’éditeurs locaux ait contribué à cette décision, porteuse d’espoir pour les médias polonais.
“La censure a pris fin dans la ville polonaise de Zamość” pouvait-on lire sur le site internet de l’hebdomadaire polonais Tygodnik Zamojski. Le média a désormais le droit de publier des articles sur la société municipale Przedsiębiorstwo Gospodarki Komunalnej (PGK), après que le tribunal, sous pression, a répondu favorablement à la demande en appel du rédacteur en chef de l’hebdomadaire, Michał Kamiński.
Dans la foulée de la décision rendue le 4 novembre 2019 qui interdisait à l’hebdomadaire d’écrire sur la société PGK et l’enjoignait à supprimer les articles sur l'entreprise de son site internet, des associations de presse polonaises se sont mobilisées pour apporter leur soutien au média. Elles ont été suivies il y a quelques jours par une trentaine d’éditeurs locaux polonais, membres de l’Association des journaux locaux, qui ont publié sur leur site internet, cinq articles que l’hebdomadaire Tygodnik Zamojski avait été forcé de supprimer.
Dans la déclaration accompagnant leur geste, les éditeurs rappellent que les médias locaux sont le fusible le plus important pour le gouvernement local en Pologne. “Ils décrivent, rapportent, mais surtout exercent des fonctions de contrôle et de responsabilisation des instances dirigeantes locales”. « La censure ne passera pas » scandent-ils. Quelques heures plus tard, le tribunal de Zamość leur a donné raison, en cassant la décision rendue en première instance et autorisant finalement le média à publier ses enquêtes sur l'entreprise municipale PGK.
“RSF se réjouit de ce revirement judiciaire porteur d'espoir pour la liberté des médias malmenée depuis quatre ans en Pologne, déclare Pauline Adès-Mevel responsable du bureau UE-Balkans. Il faut saluer la mobilisation sans précédent de la profession qui a soutenu un média abusivement censuré et conduit à cette décision importante.”
L’histoire a commencé en 2018 quand Tygodnik Zamojski a publié sur son site une série d’articles dénonçant des irrégularités dans l’appel d’offres pour la construction d’un parc solaire annoncé par PGK à Zamość, ainsi que dans le fonctionnement de l’entreprise elle-même. Manifestement embrassant, le média a été par la suite, régulièrement entravé dans ses enquêtes : tous les articles publiés sur la société ont fait l’objet de demandes de rectifications ou de suppressions. Jusqu’à ce qu’une plainte soit déposée par PGK en septembre 2019 et que le tribunal de première instance justifie son interdiction de publication, comme prévu par les articles 755 et 2 du Code civil polonais, en faisant valoir que les enquêtes pouvaient porter atteinte à la réputation de l’entreprise.
La récente décision du tribunal de lever cette interdiction est un pas dans la bonne direction qui intervient un mois seulement après que le tribunal de Varsovie a statué en faveur de la journaliste de la radio publique polonaise, Dorota Nygren, sanctionnée pour avoir refusé de diffuser des informations discriminatoires. La radio publique avait été reconnue coupable d’avoir enfreint le principe d’égalité de traitement.
La Pologne figure au 59e rang du Classement mondial de la liberté de la presse 2019 établi par Reporters sans Frontières après avoir dégringolé de 31 places en quatre ans.